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#1126 Le 17/11/2019, à 11:46

Iamawalrus

Re : La p'tite heure du café philo

murph a écrit :
Iamawalrus a écrit :

notre communauté.

J'aimerai bien savoir ce que peut recouvrir le concept de communauté sur un forum du web où très peu se connaissent réellement et où la très grande majorité utilise un pseudo. Qu'a t'on ici en commun à part utiliser un OS GNU/linux, et encore...
Est-ce que ça suffit pour définir une communauté (et par conséquent un "entre-soi") ?

J'ai voulu mettre communauté entre guillemets pour ne pas qu'il y ait d’ambiguïté avec le terme d'"entre-soi" mais je me suis dit que j'assumais ce choix.

Pour moi une communauté (ici compris dans celle des Logiciels Libres, philosophie qui nous relie) n'a pas de raison de souffrir d'entre-soi, par définition.

On peut constater qu'elles finissent souvent de cette manière, surtout si on regarde du côté du religieux, mais au sens plus large d'"intérêts communs" alors je ne vois pas de raison de nécessairement relier ces deux notions.

Après je doute pas qu'on puisse trouver moults moyens de considérer l'entre-soi comme on l'entend... le problème de la polysémie et des débats en général. On pourra arriver à dire tout et son contraire, sans que cela soit totalement vrai ou totalement faux. En attendant je considère que si une proposition est vraie d'un certain point de vu, alors il faut la considérer de ce point de vue. tongue


"Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois."

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#1127 Le 17/11/2019, à 11:47

GR 34

Re : La p'tite heure du café philo

jackpot est entre-soi-phobe !  lol


Karantez-vro...  Breizhad on ha lorc'h ennon !
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#1128 Le 17/11/2019, à 11:50

Iamawalrus

Re : La p'tite heure du café philo

godverdami a écrit :
murph a écrit :
Iamawalrus a écrit :

notre communauté.

J'aimerai bien savoir ce que peut recouvrir le concept de communauté sur un forum du web où très peu se connaissent réellement et où la très grande majorité utilise un pseudo. Qu'a t'on ici en commun à part utiliser un OS GNU/linux, et encore...
Est-ce que ça suffit pour définir une communauté (et par conséquent un "entre-soi") ?

Effectivement

L'erreur est de considérer d'emblée une communauté comme un antre où existerait l'entre-soi. Une communauté peut très bien être ouverte sur le monde, et donc le contraire même de l'entre-soi. C'est d'ailleurs le cas pour les Logiciels Libres, il me semble.


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#1129 Le 17/11/2019, à 11:54

Iamawalrus

Re : La p'tite heure du café philo

Par ailleurs le véganisme est de mon point de vue le contraire même de l'entre soi. Comment un tel courant de pensée tourné vers le monde, vers les autres, vers autrui, vers le bien commun, peut-il être considéré comme un entre-soi ?

Faut pas confondre les personnes et les idées.

Edit : de l'entre-soi on peut en trouver partout, des indiscutables par ex. en politique, dans le commerce, dans les classes sociales, dans les cercles philosophiques etc. Mais les exemples cités par jackpot, sont tout à fait discutables. Besoin de faire de la polémique pour faire de la polémique. Aucun intérêt.

Dernière modification par Iamawalrus (Le 17/11/2019, à 11:58)


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#1130 Le 17/11/2019, à 11:55

godverdami

Re : La p'tite heure du café philo

Iamwalrus a écrit :

@jackpot et side :

C'est cool vos partages de liens et de citations.. mais c'est censé raconter quoi ? Apporter quoi ? démontrer quoi ?

Je n'ai pas encore lu le lien de tooggan, mais celui de side, de large extraits.
Ce que j'en conclue: C'est qu'il s'agit de philosophie, de véritable philosophie et que cette video pourrait être le socle d'uns discussion à propos de philo, bien + que le blabla de certains qui ne dépassepas le iveau discussion de comptoir.

Cependant, perso, je ne suis pas de taille à soutenir de telles discussions, me manquent des billes, notamment lecture, réflexion,  et ce n'est pas honteux que de le reconnaitre. Je connais mes limites
Cependant je vais bien la relire pour essayer de mieux comprendre


%NOINDEX%

Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux.
Bonux lave plus blanc

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#1131 Le 17/11/2019, à 11:59

Iamawalrus

Re : La p'tite heure du café philo

godverdami a écrit :

Cependant je vais bien la relire pour essayer de mieux comprendre

Je sais pas si on parle de la même chose, mais side a posté une vidéo. Il n'y a rien à lire.


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#1132 Le 17/11/2019, à 12:00

godverdami

Re : La p'tite heure du café philo

Iamawalrus a écrit :
godverdami a écrit :

Cependant je vais bien la relire pour essayer de mieux comprendre

Je sais pas si on parle de la même chose, mais side a posté une vidéo. Il n'y a rien à lire.

Une video je la lis.. on parle bien de la même chose


%NOINDEX%

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Bonux lave plus blanc

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#1133 Le 17/11/2019, à 12:03

godverdami

Re : La p'tite heure du café philo

Iamawalrus a écrit :
godverdami a écrit :
murph a écrit :

J'aimerai bien savoir ce que peut recouvrir le concept de communauté sur un forum du web où très peu se connaissent réellement et où la très grande majorité utilise un pseudo. Qu'a t'on ici en commun à part utiliser un OS GNU/linux, et encore...
Est-ce que ça suffit pour définir une communauté (et par conséquent un "entre-soi") ?

Effectivement

L'erreur est de considérer d'emblée une communauté comme un antre où existerait l'entre-soi. Une communauté peut très bien être ouverte sur le monde, et donc le contraire même de l'entre-soi. C'est d'ailleurs le cas pour les Logiciels Libres, il me semble.

moi a écrit :

C'est pas possible !!!!
Tu oublies toutes les demandes techniques, ici sur ce forum ou dans d'autres et où demandeurs et intervenants agissent, sans distinction ni d'âge ni de condition sociale.
Tu oublies les install parties organisées un peu partout en France et où, que je sache, on ne te demande pas de te présenter, sauf àsavoi comment tu t'appelles et l'objet de ta présence.
Tu oublies que, tout ça a un but: répandre et faire connaitre mieux un système, une alternative.
C'est tout juste l'inverse d'un entre-soi. Le mot entre-soi déjà, évoque l'idée de se fermer aux autres, à ceux qui sont différents, et donc de rester "entre soi"


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#1134 Le 17/11/2019, à 12:09

Iamawalrus

Re : La p'tite heure du café philo

godverdami a écrit :

Une video je la lis.. on parle bien de la même chose

Ha ok.

godverdami a écrit :

je ne suis pas de taille à soutenir de telles discussions

Moi non plus... déjà discussion c'est aller vite en besogne, faudrait commencer par appréhender et comprendre ce que ça raconte pour en parler.

Pour le coup, bel exemple d'entre-soi (enfin là c'est plutôt un plaisir solitaire ^^) sur ce forum.


"Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois."

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#1135 Le 17/11/2019, à 20:19

side

Re : La p'tite heure du café philo

Iamawalrus a écrit :

C'est cool vos partages de liens et de citations.. mais c'est censé raconter quoi ? Apporter quoi ? démontrer quoi ?

Apporter un bout de philosophie.
Parce que m'est avis que ça peut être utile d'en apporter un bout pour montrer ce que c'est en fait, la philosophie.

Dernière modification par side (Le 17/11/2019, à 20:19)


« Je ne suis pas une adversaire de l’Europe, je me sens européenne. Je voudrais qu’il y ait des accords entre les nations librement consentis, c’est cette Europe-là que je veux voir émerger et je souhaite que la France soit à l’origine de ce beau projet, de cette belle initiative » - Marine Le Pen - 25 Avril 2017 - TF1

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#1136 Le 18/11/2019, à 22:48

Compte anonymisé

Re : La p'tite heure du café philo

@ lamawalrus et godverdami

Quant au logiciel libre j’en ai fait l’expérience depuis un bail, je suis pas arrivé ici par hasard n’en pouvant plus de Windows (XP à l’époque) , épousant tout à fait la cause et essayant de la faire partager (avec trop peu de succès le plus souvent, les gens étant décidément bornés à Windows qui a su rafler la mise dés le départ en créant des tonnes de réseaux d’habitudes). Mais les temps changent : les utilisateurs de PC autres que professionnels deviennent de plus en plus rares, le plus grand nombre utilise des smartphones désormais et Android est devenu le nouveau Windows généralisé.

La montre connectée commence elle aussi à faire des adeptes. Bien sûr il reste les serveurs sous Linux mais ça ne touche pas les utilisateurs lambda.

Au niveau des appareils photo 95 % des utilisateurs laissent de plus en plus leur reflex ou leur compact à la maison : ils ne connaissent plus que leurs smartphones.

Où est Linux dans tout ça ?

Il faut bien se rendre compte que les choses ont évolué et il faut bien admettre que de toute façon, en terme de statistiques globales, les utilisateurs du Libre ont de toute façon été toujours été largement minoritaires et qu’ils vont l’être de plus en plus.

Par ailleurs, vous avez une vision de bisounours concernant la bienveillance et l’ouverture d’esprit des gens du Libre par rapport aux fans boys de Microsoft et d’Apple et vous faites bien trop peu de cas des mépris réciproques des uns par rapport aux autres et vice-versa, bien sûr. Il y en a des tonnes à ce sujet et j'en ai beaucoup lu ici ou ailleurs.

Iamawalrus a écrit :

Mais il y a une infinité d'entre-soi possible, si 'est ce que tu veux définir par affinité...

Bien sûr et c’est surtout de cela dont je voulais parler, pas que du Libre !

murph a écrit :

J'aimerai bien savoir ce que peut recouvrir le concept de communauté sur un forum du web où très peu se connaissent réellement et où la très grande majorité utilise un pseudo. Qu'a t'on ici en commun à part utiliser un OS GNU/linux, et encore...
Est-ce que ça suffit pour définir une communauté (et par conséquent un "entre-soi") ?

Tu me sembles oublier des choses très importantes qui mériteraient un développement à part : à savoir la force du virtuel par rapport au réel. Ce sont ces liens virtuels un peu spéciaux, qui m'interrogent moi, et qui se tissent envers et contre tout, entre membres au fil du temps : que l'on s'apprécie ou... pas. Pas évident de retisser les mêmes liens ailleurs, dans d'autres forums. En tout cas j'observe une chose : certes il y en a pas mal qui semblent être partis définitivement mais il y en a aussi qui reviennent.

Iamawalrus a écrit :

A la limite, si tu avais raison, toi qui critiques,

Tu ne supportes donc pas la critique ?

godverdami a écrit :

A la limite, si tu avais raison, toi qui critiques, on pourrait se demander si ce n'est pas toi qui justement, ne correspond pas à l'idée du libre, et étant donné que tu critiques, que tu sembles considérer que ce n'est que de l'entre-soi, on pourrait se demander ce que tu fiches ici !

Toi non plus tu ne supportes pas la critique ? Comme c'est drôle ! Ce que je fiche ici ? Empêcheur de penser en rond  (entre autres..)

Iamawalrus a écrit :

L'erreur est de considérer d'emblée une communauté comme un antre où existerait l'entre-soi. Une communauté peut très bien être ouverte sur le monde, et donc le contraire même de l'entre-soi. .

Point de vue de bisounours à une époque où la lutte des clans remplace de plus en plus la lutte des classes.

Iamawalrus a écrit :

Mais les exemples cités par jackpot, sont tout à fait discutables. Besoin de faire de la polémique pour faire de la polémique. Aucun intérêt.

Pourquoi lui en accordes-tu alors de l’intérêt à ma "polémique pour faire de la polémique" au point de lui consacrer au moins deux posts ? Moi quand je ne trouve aucun intérêt à tes conjectures, je ne les lis pas et je te le dis. C'est NexT.

En fait tu n’as strictement rien compris – ou plutôt, tu n’as rien voulu comprendre - à mon propos qui ne visait pas que l’entre-soi du Libre sur lequel tu fais une fixation (comme GR qui n’en fait une que sur le véganisme et sa cause animale) mais tous les autres entre-soi qui concernent de plus notre société. J’ai d’ailleurs posté un lien d’une vidéo qui était assez édifiant à ce sujet.

C’est la division pour ne pas dire l’éclatement de notre société dont il était question : les exemples de divisions – dont la multiplication des entre-soi qui semblent tant vous poser problème n’est qu’un aspect -pourraient être multipliés évidemment. Et, pour en revenir au post de toboggan one more time, divisions qui font que des décisions susceptibles de convenir au plus grand nombre deviennent de plus en plus difficiles à prendre : voilà quel était mon propos, tout à fait cohérent et plausible.


side a écrit :

Apporter un bout de philosophie.
Parce que m'est avis que ça peut être utile d'en apporter un bout pour montrer ce que c'est en fait, la philosophie.

Ce topic est mal fichu depuis le début. En plus des règles propres au forum il aurait fallu définir dès le départ collectivement toute une méthodologie propre au fonctionnement d’un vrai topic de philo.

Bon courage !

Et quand bien même on y serait arrivés, à mon avis, il alors serait vite devenu chiant comme beaucoup de ces topics de philo si sérieux et si savamment orchestrés.  Avec le risque de devenir assez vite élitiste, en fait.

Finalement il est pas si mal comme ça, on est dans un bon petit entre-soi sympa, qu’il aille à sens unique ou dans tous les sens,  oui il est pas si mal comme ça, il est… comment dire ? Populaire et  démocratique ! Ouvert à tous (c’est à dire toujours aux mêmes ! ?)

Oui LOL

Sur ce : bonne nuit les petits ! 

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 18/11/2019, à 22:50)

#1137 Le 19/11/2019, à 11:28

Compte anonymisé

Re : La p'tite heure du café philo

side a écrit :

Apporter un bout de philosophie.

Nietzsche a écrit :

Un nihiliste est un homme qui juge que le monde tel qu’il est ne devrait pas exister, et que le monde tel qu’il devrait être n’existe pas.  Donc vivre (agir, souffrir, vouloir, sentir) n’a pas de sens : ce qu’il y a de pathétique dans le nihilisme, c’est de savoir que « tout est vain ».

(Fragments posthumes IX, 60. Automne 1887)

Nietzsche a écrit :

« Ce que je raconte est l’histoire des deux siècles prochains, je décris ce qui vient, ce qui ne peut plus venir d’une autre manière ; l’avènement du nihilisme.)

(Fragments posthumes XIII, 11, 411)


« Le nihilisme, c’est l’auto-révélation du mensonge foncier de la philosophie en son envoi platonicien, sa mythomanie. À la racine de ce mensonge, il y a le contrat premier conclu avec la science : les formes mathématiques n’étaient, justement, que des formes. Elles ne délivraient pas la plénitude de Principes à quoi se fier aveuglément, comme le Bien, l’Eternel et l’Immortel, mais un vide purement instrumental, une sublimation de la pulsion prédatrice et carnassière.

Un primate, il y a quelques dizaines de millénaires, subit une modification génétique qui s’avère être une sorte de miracle instrumental : naît la technologie, chasse et agriculture, qui permet à cette espèce, à partir du Néolithique, de prendre peu à peu le dessus définitif sur toutes les autres.
Par son concept de « volonté de puissance », Nietzsche désublime la sublimation métaphysique, montre que l’appropriation techno-scientifique de l’étant, sur laquelle métaphysique et théologie ont construit leurs belles fictions, n’étaient que sublimation utilitaire des techniques les plus archaïques.

Les autres animaux ont des mâchoires, des becs, des serres, des muscles constricteurs pour dévorer leurs proies ; nous, nous avons reçu de la seule contingence  in-sensée du devenir (et non de « l’être » fixe de la métaphysique), l’arme absolue, l’arme fatale de la technologie, qui nous permet de nous approprier, avons-nous cru, toutes choses de manière illimitée, dans des proportions délirantes par rapport aux capacités préhensives et alimentaires de milliards d’espèces ayant peuplé la Terre jusqu’à nous.

Etre fidèle à Nietzsche, c’est donc aller encore plus loin que lui. Qu’est-ce à dire ? Que la situation « nihiliste » est encore plus dramatique qu’il ne pouvait l’entrevoir.

Il faut approfondir son diagnostic : certes, la science nous donne accès à « de » l’éternel. C’est grâce  à notre faculté mathématique que nous savons, justement, que notre univers est né il y a quinze milliards d’années, et que notre espèce n’est qu’une étincelle perdue dans cette « éternité » conquise par la science, dont les autres animaux n’ont pas la moindre idée.

Le nihilisme c’est de prendre la métaphysique au mot : oui, il y a de « l’éternité », - mais il n’y a que l’éternité qui soit éternelle. Ni les planètes, ni les bactéries, ni les animaux ne le sont : le « devenir » nietzschéen l’a en effet emporté à plate-couture sur « l’être » fixiste des métaphysiciens et théologiens.

Mais ce que ne voyait pas Nietzsche du « devenir » n’est à son tour « une bonne nouvelle » (un "gai savoir") qu’illusoirement. Car précisément, ce que nous démontre la facticité de la science et de l’emprise technologique, c’est que l’impasse métaphysique (et donc le nihilisme même) est encore plus profonde que ne le croyait Nietzsche.

C’est qu’il semble bien que l’animal susceptible de s’approprier l’éternité formelle de ce qui est, l’animal scientifique, accélère la précarité de toute chose plutôt qu’il ne la dépasse, qu’il n’accède lui-même à l’éternité et à l’immortalité (par Dieu dans les fanatismes d’hier et d’aujourd’hui, par l’eugénisme biogénétique…)

Déjà, la vie terrestre – ce résultat lui-même miraculeux d’ « improbabilités infinies », comme disait Arendt - , avec l’appropriation végétale de l’eau et de la lumière, ou animale par l’alimentation végétarienne puis prédatrice, est infiniment plus précaire que la matière minérale ou cosmique.

Notre situation, en d’autres termes, est un oxymore tragique : plus l’on s’approprie de choses (la fermentation des sucres par les bactéries aux origines de la vie, puis la lumière et l’eau par les végétaux, puis le végétal et la proie par les animaux, enfin les vérités « éternelles » du cosmos par la science), plus en quelque sorte, on en paie le prix.

L’éternité sur laquelle s’est longtemps extasiée la métaphysique se paie de son exact contraire : d’une précarité et d’une évanescence vertigineuses de toutes choses, jusqu’à l’extinction désormais programmée de l’espèce techno-scientifique, si nous ne réagissons pas à temps (et le fait est que nous ne réagissons toujours pas.)

On peut alors, en franchissant, renoncer au concept même de nihilisme : en montrant qu’on ne renonce à rigoureusement rien, sinon à des fantômes, en laissant l’éternité, l’immortalité, le Bien normatif, l’être fixe, la vérité unilatérale etc. au néant littéral dont ils procèdent (et c’est pourquoi ceux qui prétendent encore croire à ces grands Principes, comme Alain Badiou, voient du « nihlisme » absolument partout !)

L’enjeu ne peut plus être nietzschéen, à savoir : bénir la « volonté de puissance », la hiérarchie du génie sur les masses médiocres, les pleins pouvoirs donnés, contre toute « moraline » métaphysique et théologique, à la pulsion appropriatrice démesurément amplifiée par la technologie.

On peut produire une description conceptuelle et catégorielle du précaire, du devenir incessant, du miracle statistique inouï de la vie sur Terre et de l’apparition de la science, description aussi rigoureuse dans son développement que le furent les grandes architectoniques métaphysiques.

On peut s’émerveiller de l’apparition de toutes choses, de notre univers il y a quinze milliards d’années, de la vie sur Terre, enfin de la virtuosité techno-scientifique qui nous est tombée dessus et s’est consolidée il y a seulement une petite dizaine de millénaires.

Tout ce qui nous entoure, parce que miraculeusement précaire, relève en soi du merveilleux ; mais nous ne nous en rendons toujours pas compte.

Et on peut alors, enfin, poser la seule question qui mérite désormais de l’être en et par la philosophie : l’être humain, sachant désormais cette précarité essentielle et omnivore qui est son élément, saura-t-il enfin se montrer digne du cadeau miraculeux, la virtuosité technologique, qui lui a été fait non par quelque Dieu, mais par la contingence pure ?

Ou s’évertuera-t-il, dans sa cécité suicidaire, à se comporter en enfant éternellement gâté de la « Création », à savoir en assouvissant son avidité sans limite sans regarder aux frais, désormais apocalyptiques ? »

                                                                                                   Medhi Belhadj Kacem (« Après le nihilisme »)

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 19/11/2019, à 11:30)

#1138 Le 19/11/2019, à 15:32

godverdami

Re : La p'tite heure du café philo

Mon avis sur l'entre-soi: Le critiquable est surtout l'entre-soi social. C'est à dire la culture des réseaux fermés économico-sociaux qui, in fine, aboutissent à une stratification sociale.
Le reste, genre linux, t'appelles ça comme tu veux, entre-soi si tu veux, mais aucun intérêt et à vouloir mettre de l'entre-soi partout comme tu le fais, tout devient de l'entre-soi et ça perd toute signification.

jackpot a écrit :

C’est la division pour ne pas dire l’éclatement de notre société dont il était question : les exemples de divisions – dont la multiplication des entre-soi qui semblent tant vous poser problème n’est qu’un aspect

Parce que c'est à nous que ça pose problème... lol


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Bonux lave plus blanc

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#1139 Le 19/11/2019, à 15:48

sucarno

Re : La p'tite heure du café philo

Nietzsche a écrit :
Un nihiliste est un homme qui juge que le monde tel qu’il est ne devrait pas exister, et que le monde tel qu’il devrait être n’existe pas.  Donc vivre (agir, souffrir, vouloir, sentir) n’a pas de sens : ce qu’il y a de pathétique dans le nihilisme, c’est de savoir que « tout est vain ».

(Fragments posthumes IX, 60. Automne 1887)

Nietzsche l'a écrit ; moi, je le vis et chaque jour.

Tout ce que je vois devant moi n'est que de  l'inutile de chez le farfelue !

Mais, lui il exprime en des termes bien conçus et bien cousus !

Dernière modification par sucarno (Le 19/11/2019, à 15:49)


« Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». Étienne de La Boétie

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#1140 Le 19/11/2019, à 18:23

Iamawalrus

Re : La p'tite heure du café philo

jackpot a écrit :

@ lamawalrus et godverdami

Quant au logiciel libre j’en ai fait l’expérience depuis un bail, je suis pas arrivé ici par hasard n’en pouvant plus de Windows (XP à l’époque) , épousant tout à fait la cause et essayant de la faire partager (avec trop peu de succès le plus souvent, les gens étant décidément bornés à Windows qui a su rafler la mise dés le départ en créant des tonnes de réseaux d’habitudes). Mais les temps changent : les utilisateurs de PC autres que professionnels deviennent de plus en plus rares, le plus grand nombre utilise des smartphones désormais et Android est devenu le nouveau Windows généralisé.

La montre connectée commence elle aussi à faire des adeptes. Bien sûr il reste les serveurs sous Linux mais ça ne touche pas les utilisateurs lambda.

Au niveau des appareils photo 95 % des utilisateurs laissent de plus en plus leur reflex ou leur compact à la maison : ils ne connaissent plus que leurs smartphones.

Où est Linux dans tout ça ?

Il faut bien se rendre compte que les choses ont évolué et il faut bien admettre que de toute façon, en terme de statistiques globales, les utilisateurs du Libre ont de toute façon été toujours été largement minoritaires et qu’ils vont l’être de plus en plus.

Par ailleurs, vous avez une vision de bisounours concernant la bienveillance et l’ouverture d’esprit des gens du Libre par rapport aux fans boys de Microsoft et d’Apple et vous faites bien trop peu de cas des mépris réciproques des uns par rapport aux autres et vice-versa, bien sûr. Il y en a des tonnes à ce sujet et j'en ai beaucoup lu ici ou ailleurs.

Iamawalrus a écrit :

Mais il y a une infinité d'entre-soi possible, si 'est ce que tu veux définir par affinité...

Bien sûr et c’est surtout de cela dont je voulais parler, pas que du Libre !

murph a écrit :

J'aimerai bien savoir ce que peut recouvrir le concept de communauté sur un forum du web où très peu se connaissent réellement et où la très grande majorité utilise un pseudo. Qu'a t'on ici en commun à part utiliser un OS GNU/linux, et encore...
Est-ce que ça suffit pour définir une communauté (et par conséquent un "entre-soi") ?

Tu me sembles oublier des choses très importantes qui mériteraient un développement à part : à savoir la force du virtuel par rapport au réel. Ce sont ces liens virtuels un peu spéciaux, qui m'interrogent moi, et qui se tissent envers et contre tout, entre membres au fil du temps : que l'on s'apprécie ou... pas. Pas évident de retisser les mêmes liens ailleurs, dans d'autres forums. En tout cas j'observe une chose : certes il y en a pas mal qui semblent être partis définitivement mais il y en a aussi qui reviennent.

Iamawalrus a écrit :

A la limite, si tu avais raison, toi qui critiques,

Tu ne supportes donc pas la critique ?

godverdami a écrit :

A la limite, si tu avais raison, toi qui critiques, on pourrait se demander si ce n'est pas toi qui justement, ne correspond pas à l'idée du libre, et étant donné que tu critiques, que tu sembles considérer que ce n'est que de l'entre-soi, on pourrait se demander ce que tu fiches ici !

Toi non plus tu ne supportes pas la critique ? Comme c'est drôle ! Ce que je fiche ici ? Empêcheur de penser en rond  (entre autres..)

Iamawalrus a écrit :

L'erreur est de considérer d'emblée une communauté comme un antre où existerait l'entre-soi. Une communauté peut très bien être ouverte sur le monde, et donc le contraire même de l'entre-soi. .

Point de vue de bisounours à une époque où la lutte des clans remplace de plus en plus la lutte des classes.

Iamawalrus a écrit :

Mais les exemples cités par jackpot, sont tout à fait discutables. Besoin de faire de la polémique pour faire de la polémique. Aucun intérêt.

Pourquoi lui en accordes-tu alors de l’intérêt à ma "polémique pour faire de la polémique" au point de lui consacrer au moins deux posts ? Moi quand je ne trouve aucun intérêt à tes conjectures, je ne les lis pas et je te le dis. C'est NexT.

En fait tu n’as strictement rien compris – ou plutôt, tu n’as rien voulu comprendre - à mon propos qui ne visait pas que l’entre-soi du Libre sur lequel tu fais une fixation (comme GR qui n’en fait une que sur le véganisme et sa cause animale) mais tous les autres entre-soi qui concernent de plus notre société. J’ai d’ailleurs posté un lien d’une vidéo qui était assez édifiant à ce sujet.

C’est la division pour ne pas dire l’éclatement de notre société dont il était question : les exemples de divisions – dont la multiplication des entre-soi qui semblent tant vous poser problème n’est qu’un aspect -pourraient être multipliés évidemment. Et, pour en revenir au post de toboggan one more time, divisions qui font que des décisions susceptibles de convenir au plus grand nombre deviennent de plus en plus difficiles à prendre : voilà quel était mon propos, tout à fait cohérent et plausible.


side a écrit :

Apporter un bout de philosophie.
Parce que m'est avis que ça peut être utile d'en apporter un bout pour montrer ce que c'est en fait, la philosophie.

Ce topic est mal fichu depuis le début. En plus des règles propres au forum il aurait fallu définir dès le départ collectivement toute une méthodologie propre au fonctionnement d’un vrai topic de philo.

Bon courage !

Et quand bien même on y serait arrivés, à mon avis, il alors serait vite devenu chiant comme beaucoup de ces topics de philo si sérieux et si savamment orchestrés.  Avec le risque de devenir assez vite élitiste, en fait.

Finalement il est pas si mal comme ça, on est dans un bon petit entre-soi sympa, qu’il aille à sens unique ou dans tous les sens,  oui il est pas si mal comme ça, il est… comment dire ? Populaire et  démocratique ! Ouvert à tous (c’est à dire toujours aux mêmes ! ?)

Oui LOL

Sur ce : bonne nuit les petits ! 

Mais tellement de banalités, au bout d'un moment je ne peux plus lire jusqu'au bout.

Tu fais une fixette sur l'entre-soi, comme si ça pouvait être un sujet intéressant à débattre en philosophie. Pour moi y'a pas grand chose à en dire, à part décrire ce que l'on voit. On pourrait alors en parler dans une discussion politique. Mais là comme ça... ici, je vois pas.

Par ailleurs, le fait que tu "Nextes" les choses sans intérêt te regarde. Moi j'aime les choses sans intérêt. D'où le fait peut-être que j'aime bien discuter avec toi.  Bon le problème c'est que tu ramènes tout avec tes états d'âme (enfin c'est pas un réel problème) et que du coup ton discours est noyé au milieu de tes considérations, et citations inutiles. Des postes sans queue ni tête.

Pour finir, et c'est pas la première fois que tu fais ça, la seule chose qui m'intéressait vraiment, c'était de savoir ce que tu voulais dire en postant tes citations. Mais encore une fois tu réponds aux polémiques, sans t'intéresser aux question importantes de tes interlocuteurs. C'est dommage (mais c'est pas grave).

PS : sinon j'avais vu que tu faisais une critiques des logiciels en pointant Androïd du doigt. Mais t'as oublié d'omettre tout ce que Google et Androïd ont apporté à l'open source et aux Logiciels Libres. Et le problème, c'est que t'oublies cette petite précision, dans une discussion justement sur les LL. Mais j'ai l'impression que c'est pas trop ton domaine et que tu t'égares facilement dans plein de sujets en vrac que tu laisses croire que tu maîtrise alors que c'est faux. Maîtriser la langue française ne suffit pas laisser croire qu'on peut tout maîtriser, sous prétexte que tout se raconte par ce moyen. Je pense que t'a tendance à confondre contenu et contenant en général (déjà 3 exemples probants qui me viennent à l'esprit).


"Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois."

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#1141 Le 20/11/2019, à 15:44

Compte anonymisé

Re : La p'tite heure du café philo

side a écrit :

Apporter un peu de philosophie

Nietzsche a écrit :

La volonté de système est un manque d’intégrité.


                                                                                                                                QUE RESTE-T-IL DE L’ANTI-SYSTÈME ?

« Nietzsche n’a cessé d’écrire contre les systèmes, c’est-à-dire contre toute prétention de l’esprit à prendre sa propre loi pour celle des choses, donc à légiférer sans reste sur l’essence des choses et sur l’ensemble de leurs rapports pour se soumettre ensuite à leur loi comme si elle était éternelle et inconditionnée.
C’est, fondamentalement, penser « l’être » sous forme d’un « devoir-être et condamner tout ce qui ne s’y conforme pas à un manque d’être, c’est-à-dire d’obéissance.
La connaissance est un tyran qui a fait de l’esprit son propre esclave, au nom de cette loi qu’elle avait elle-même inventée.
Cette tyrannie de l’idée sur la chose, Nietzsche la nomme généralement idéalisme. Celui-ci règne sur la philosophie, la science et la morale depuis au moins Platon, mais peut-être est-il le fait du langage lui-même, qui a toujours pris la nomination des choses pour les choses elles-mêmes.
Il fait de nous des croyants, et pas seulement dans le domaine religieux. Nous croyons à l’existence de choses telles que le bien et le mal, le vrai et le faux, le juste et l’injuste. Mais « si quelqu’un dissimule quelque chose derrière un buisson, puis le cherche à cet endroit et finit par le trouver, il n’y a pas grand lieu de s’en glorifier. » (Vérité et mensonge au sens extra-moral)

À l’époque où Nietzsche entre en philosophie, bien des idéalismes règnent encore sous la forme de systèmes. Mais le plus fascinant, le plus effrayant, c’est celui qui a su légiférer sur l’ensemble de l’histoire, sur la signification même du devenir et de ses contradictions au point de faire de la contradiction même la loi de l’histoire, et de sa synthèse le devoir-être du présent, sa téléologie.

L’hégélianisme et après lui ses piètres avatars, l’historicisme et le positivisme, ont cru que la vérité progressait, et l’homme avec elle, vers ce qu’ils auraient toujours dû être et n’avaient pu devenir que par l’accomplissement sans reste du système se refermant. Le projet était grandiose, le résultat fut misérable : l’assomption du présent, la glorification du dernier venu, le triomphe de l’actualité. C’est tout « ce système extrêmement développé d’antagonismes dont se compose le « monde moderne » (Lettre à Malwida von Meysenburg) que Nietzsche entendra mettre en détresse par l’inactualité de ses considérations, sa critique de la modernité et jusqu’à travers la pensée de l’éternel retour.

Il ne s’agit pas simplement d’une réaction antimoderne, mais d’un sens historique nouveau – généalogique - , et plus encore d’une responsabilité pour l’avenir. Le privilège démesuré que la modernité s’accorde à elle-même oblitère lourdement le futur. Nietzsche au contraire prive l’histoire de toute téléologie et le présent de toute prérogative. Il opère des sélections, prélevant sur l’époque le peu qui aurait encore assez de puissance pour devenir, promettre et croître.
Or ce travail de sape et de sélection est précisément ce qui reste, pour nous, ici, maintenant, de Nietzsche à l’adresse de lecteurs, qui, selon lui, n’existaient pas encore à son époque et qui n’existent peut-être toujours pas aujourd’hui. S’il y a chez Nietzsche une dialectique, c’est bien celle du « livre pour tous et pour personne » qui fait le sous-titre du Zarathoustra. Nous ne savons jamais d’avance ce qui restera de nous aprs que nous aurons traversé les forces centrifuges de ses textes.

Or les systèmes sont centripètes. Ils absorbent tout et ne pensent qu’à leurs propre perfection. En réalité, ils ne prennent pas la lecture au sérieux. C’est pourquoi, pour Nietzsche, « la volonté de système est un manque d’intégrité. » (Crépuscule des idoles)
Sa volonté à lui est d’une toute autre sorte : non pas volonté du système parfait, mais désir d’un lecteur parfait, dont la perfection interdirait celle du système.

À quoi ressemblerait un tel lecteur ? « Quand j’essaie de m’imaginer le portrait d’un lecteur parfait, cela donne toujours un monstre de courage et de curiosité, et en outre quelque chose de souple, de rusé, de prudent, un aventurier et un explorateur-né. » (Ecce home)

Or, à l’intérieur d’un système, on n’explore pas à l’aventure, on fait le tour du propriétaire. C’est toujours le système qui est rusé, jamais le lecteur. L’auteur s’arroge la centralité de l’oeil divin et nie finalement qu’un lecteur ait des yeux. L’auteur Nietzsche au contraire se diffracte en lecteurs innombrables. « Mais notre propre aspiration au sérieux est de tout comprendre en tant que devenir, de nous renier nous-mêmes en tant qu’individus, sonder le monde par le plus d’yeux possible, de vivre dans des impulsions et des occupations de faon à nous former des yeux. » (id)

Ce qui reste d’un philosophe, c’est toujours ce qui a échappé à son système, « ce point qui est un fragment de personnalité et appartient à cette part d’irréfutable et d’indiscutable que l’histoire se doit de préserver. » (La philosophie à l’époque des Grecs, préface)

Part à préserver parce que fragile, exposée et perméable au monde, et changeant avec lui. Mais part irréfutable parce qu’elle veut s’approprier le monde et le dominer. Nous ne sommes pas les sujets de  la connaissance, nous sommes un mode du connaître (comme l’araignée, qui a plus d’yeux que nous, comme la mouche qui elle aussi « sent avec elle voler le centre du monde » (Ecce Homo)

Le vivant est toujours une appropriation de l’altérité qui l’altère, une unification du divers qui le multiplie, une intrusion dans des sphères étrangères elles-mêmes intrusives, une mise en perspective du milieu dont il n’est lui-même qu’une perspective, c’est-à-dire une interprétation.

C’est là que les difficultés commencent. Et s’il nous faut êtres des monstres de courage, c’est que le danger est grand. Méfions-nous de ce que nous croyons avoir reçu de Nietzsche, nous ne sommes pas des lecteurs parfaits. Le régime nietzschéen de l’interprétation semble nous avoir allégés de la Vérité, mais nous sommes bien trop légers pour évaluer nos évaluations. Le soupçon a fait école, mais le relativisme nous a rendus plus bêtes et l’immoralisme plus brutaux. Il se pourrait finalement que le gai savoir nous ai fait de fausses joies et que l’esprit libre nous ait affranchis à trop bon compte.

Nietzsche avait raison d’affirmer : « Je n’ai jamais su l’art de prévenir contre moi. » (Ecce Homo)

Dans les années 1930, des hordes d’esclaves se sont autorisées de ses citations pour se croire des maîtres, confondant le « triomphe de la volonté » avec celui du ressentiment et le dépassement de l’homme par son extermination. Et il est vrai que la très grande imprudence de Nietzsche aura été d’avoir sous-estimé la violence pulsionnelle de la modernité épuisée ; il lui a parlé le langage de la puissance, du tragique, de la guerre et du danger parce qu’il voyait venir l’impuissance de derniers hommes qui ne désireraient plus que l’anesthésie du bonheur, de la paix et de la sécurité. Si seulement…

Les restes de Nietzsche, sur les ruines de l’Europe, ont fini par trouver de meilleurs destinataires : de véritables explorateurs du devenir et penseurs de l’immanence, archéologues des pouvoirs et libérateurs des puissances. Monstres de curiosité qui, tel Foucault, ont vu surgir de la généalogie l’effacement possible de l’homme ; qui, tel Deleuze rapprochant Nietzsche de Spinoza se sont demandé de quels affects nous serions capables et comment ils nous transformeraient ; qui, tel Derrida, ont imaginé les traces laissées par la politique nietzschéenne de la langue.

Mais voilà, il nous faut beaucoup de prudence pour expérimenter et nous nous sommes laissé enivrer par de petites jouissances chaotiques et des délires bon marché, nouveaux esclaves de l’instant, oubliant que pour Nietzsche, comme pour ses héritiers « post-structuralistes », le désir est une ascèse et que la philosophie dresse des forces anti-chaos.

Depuis, des générations d’interprètes ont proposé de Nietzsche des lectures probes et patientes (deux qualités éminemment nietzschéennes). Ils ont pris au sérieux, à proportion de son anti-systématisme, sa profonde cohérence, son effort opiniâtre pour dire ce que l’ébranlement de la vérité, de l’homme et du langage rendait presque impossible à dire. En bons philologues, ils ont pris acte que « la généalogie est grise » (Foucault) et qu’il faut travailler.  Parfois contre les lectures, plus créatrices que fidèles, de la glorieuse génération précédente, et toujours contre celles, myopes ou précipitées, de ceux qui pensent devoir clamer pourquoi ils ne sont pas nietzschéens, ce qui n’importe à personne.

On peut en tout cas formuler un critère sûr : toute familiarité avec Nietzsche est trompeuse et y trouver du réconfort serait le pire. Je me méfie de quiconque, à la lecture de Nietzsche, n’éprouve pas un peu de détresse. (Mais ceux qui n’y rient jamais me paraissent également suspects.) La détresse est une voie royale pour Nietzsche : elle le fait entrer en philosophie ; elle constitue son diagnostic de la modernité ; elle est le pharmakon (ce philtre, à la fois remède et poison, auquel Platon comparait l’écriture) qu’il nous prescrit. Devant l’impossibilité moderne de maîtriser et de hiérarchiser le chaos d’instincts de lutte que nous sommes, Nietzsche entend intensifier notre affolement pulsionnel jusqu’à le détruire pour ouvrir la voie à de nouvelles configurations. Il nous rappelle la complicité profonde entre la connaissance et la souffrance, entre la liberté et la contrainte, entre la joie et la cruauté.

Mais voilà, incurables eudémonistes  (= partisans de la doctrine morale selon laquelle le but de l’action est le bonheur ), nous ressemblons à ces hommes de la place du marché qui s’écrièrent : « Donne-nous le dernier homme, ô Zarathoustra, fais-nous devenir ce dernier homme ! Et nous te faisons grâce du surhomme ! » (Ecce Homo)

Le problème de l’interprétation, c’est qu’on n’a toujours que celle qu’on peut.

Que reste-t-il à faire de Nietzsche ? Pour commencer, se mettre à son tempo, qui est extrêmement lent. (Il faudra d’ailleurs cesser un jour de s’extasier devant la fulgurance aphoristique de son style :  Nietzsche est prolixe, ressasseur, ruminant.) Comprendre l’accélération du temps comme le fait Harmut Rosa ( Accélération/ 2005/ ed.de la Découverte) ou la postmodernité par la fin des grands récits comme le suggérait Jean-François Lyotard (La condition postmoderne/ 1979/ ed.de Minuit), c’est manquer le fond de l’affaire. Le devenir est lent, l’incorporation des valeurs et la spiritualisation des instincts prennent des lustres.

Ce faisant nous sentirons toujours davantage combien le type anthropologique dont Nietzsche fait la généalogie (« L’homme moderne ») est encore le nôtre et combien le préfixe de « postmoderne » est au fond peu de chose. Nos grands récits sont encore pieux, sous un très grand nombre de rapports : ceux de la science, du droit, de la philosophie, de la politique, de la religion, de la morale, de la psychologie et de la physiologie. Et avec cela caractérisés par une certaine intériorité chaotique, une anarchie des instincts qu’on peut bien appeler, si l’on veut, une sorte d’épuisement névrotique. Cette impuissance ne doit pas dissimuler la violence inhérente à cette contention extrême. Elle confère toujours quelque chose de sourdement fanatique à nos opinions, à nos croyances, à nos désirs, et ce, jusque dans nos relativismes et autre « perte de valeurs ». Nous ne sommes pas assez puissants pour nos scepticismes et pas assez libres pour nos convictions. Trop de valeurs ou pas assez, le résultat est le même.

Enfin, puisque l’ « homme démocratique » est le type anthropologique que nous sommes et auquel s’adresse pour l’ébranler la terrible « grande politique » nietzschéenne, c’est en tant que démocrates et citoyens de démocraties libérales que nous devons lire Nietzsche, nous confronter à son antidémocratisme affirmé et à son antilibéralisme ambigu. On ne pourra occulter l’idée selon laquelle, pour Nietzsche, l’égalité de tous les hommes ampute chacun d’une part de sa puissance et l’empêche de croître ; que ni la dignité ni la liberté ne sont données d’avance mais se conquièrent de haute lutte, localement et conditionnellement, dans des processus inévitables de hiérarchisation sans lesquels il n’y a pas d’élévation. C’est pour nous la part proprement inaudible de sa philosophie, la mise en détresse de notre détresse (car nos détresses concernent toujours la fragilité de notre puissance, de notre liberté et de notre dignité).

On ne fera pas de Nietzsche un démocrate et il n’est pas question de se faire antidémocrate pour lui faire plaisir. C’esr précisément parce que nous ne sommes encore ni assez puissants, ni assez libres ni même assez dignes de nos idéaux démocratiques que nous devons arracher à la « grande politique » nietzschéenne la possibilité de micropolitiques nouvelles, à la « grande santé » des formes expérimentales de subjectivité et de gouvernementalité : l’économie subtile des oui et des non, la dialectique fragile de la solitude et de l’amitié, l’équilibre vital de la mémoire et de l’oubli, l’art délicat de commander et d’obéir, sont autant d’exercices nietzschéens capables de créer des configurations nouvelles et des formes plus hautes de vie. La philosophie de Nietzsche permet cette appropriation, qui ne sera pas une nouvelle falsification mais la nécessité d’une interprétation souple, rusée, prudente, aventurière et exploratrice.

« À partir d’ici, libre à une autre sorte d’esprit que le mien de poursuivre. Je ne suis pas assez borné pour un système – pas même pour mon système. » (Fragments posthumes)

Il nous appartient de déterminer à partir d’où nous poursuivrons, et dans quelle direction.»

                                                                                              DORIAN ASTOR

#1142 Le 20/11/2019, à 17:52

godverdami

Re : La p'tite heure du café philo

?
Si t'en remettais un autre comme ça, histoire de polluer un peu +


%NOINDEX%

Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux.
Bonux lave plus blanc

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#1143 Le 20/11/2019, à 20:39

Iamawalrus

Re : La p'tite heure du café philo

La p'tite heure du café psilo. ^^


"Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois."

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#1144 Le 20/11/2019, à 20:51

sucarno

Re : La p'tite heure du café philo

A quoi sert la philosophie ?
Réponse : à rien !


« Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». Étienne de La Boétie

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#1145 Le 20/11/2019, à 21:36

Compte supprimé

Re : La p'tite heure du café philo

Iamawalrus a écrit :

La p'tite heure du café psilo. ^^

Corrigé.

#1146 Le 21/11/2019, à 08:29

Compte anonymisé

Re : La p'tite heure du café philo

side a écrit :

Apporter un peu plus de philosophie

Clément Rosset (Entretien/ Propos recueillis par Alexandre Lacroix)

« →  Quand avez-vous découvert Spinoza ?

Clément Rosset : Il me faut convoquer des souvenirs anciens pour répondre à cette question. Dans la bibliothèque de mes parents, il y avait quelques volumes de philosophie seulement. S’y trouvait Le Monde comme volonté et comme représentation d’Arthur Schopenhauer, qu’ils tenaient eux-mêmes de leurs parents – à une certaine époque, Schopenhauer était à la mode. Ils avaient aussi les Pensées de Pascal, qui m’ont sidéré par sa lucidité et la qualité de son écriture lorsque j’étais en classe de seconde. Et puis, il y avait l’Éthique de Spinoza. Je l’ai lue pour la première fois vers 18 ans, de façon très superficielle, en parcourant seulement les scolies et les propositions et en sautant les démonstrations. J’en avais eu la curiosité à cause d’un passage de Nietzsche, qui a eu une sorte de coup de foudre pour Spinoza et qui a déclaré que ce penseur, « le plus anormal et le plus solitaire qui soit » était son précurseur. Par la suite, à la fin de ma khâgne, j’ai repris cette lecture plus attentivement. L’Éthique est un des rares livres que j’ai relus sans cesse au long de ma vie. Progressivement, j’ai aussi découvert le Traité de la réforme et de l’entendement et le Traité théologico-politique, un livre inouï, qui a contribué à mettre Spinoza au ban de sa communauté. En somme, je me suis convaincu que Spinoza était l’un des philosophes que j’estimais le plus.


→  Dans Le Principe de cruauté, vous défendez un concept, le « principe de réalité suffisante », d’inspiration très spinoziste…

Clément Rosset : La plupart des philosophes, depuis Platon, ont pour point commun de considérer qu’il y a quelque chose d’insuffisant dans la réalité elle-même, que le réel ne peut rendre compte de lui-même, qu’il doit se soutenir et s’expliquer par autre chose, par un Dieu, un arrière-monde, une essence, un Être… C’est tout de même très curieux et très embêtant, cet acharnement des philosophes à dévaluer le réel. Chez Platon, les choses réelles, que nous percevons, sont de l’ordre du « moindre être » (mè on, en grec), du quasi néant. Cette tendance imprègne toute la tradition idéaliste, on la retrouve chez Kant et chez Hégel, pour qui l’expérience immédiate de la réalité est lacunaire, passagère, insatisfaisante. J’ai débusqué, chez un hégélien moderne, Éric Weil, une vraie perle, dans son article « Sur la réalité » : « Ce qui se donne immédiatement n’est pas réel » dit Weil. Autant dire qu’un verre de vin ne se boit pas ou que vous ne pouvez pas caresser votre femme. Spinoza a, le premier peut-être après Lucrèce, proposé un antidote à ce dangereux penchant pour la négation de la plénitude de la réalité. Pour lui, il n’y a ni Dieu ni absolu à rechercher en dehors du réel. La réalité est suffisante, entière, elle est Dieu. En somme, Spinoza est un penseur qui détruit la métaphysique, en tant qu’il ne place rien au-dessus de la physique (méta en grec signifie « au-delà », « au-dessus »), de la nature. Adhérer à une telle vision des choses, la seule qui soit d’ailleurs sensée, c’est en effet rallier ce que j’appelle le « principe de réalité suffisante ».


→ Spinoza est très différent aussi de Descartes ?

Clément Rosset : Assurément. Lorsque j’étais étudiant, on présentait souvent Spinoza comme une sorte de disciple du cartésianisme, sous le prétexte que ces deux philosophes discutent des mêmes concepts – Dieu, les idées et leur contenu, la substance… Mais un tel rapprochement, qu’on trouve encore dans certains manuels, est complètement intenable. Descartes, dans ses Premières pensées qui ont été éditées par Henri Gouhier, explique dans un fragment important qu’il y a selon lui trois miracles, trois mirabilia, qui ne peuvent être saisis par notre raison, qu’on ne saurait nullement expliquer : il s’agit de la création du monde, du libre arbitre et de l’union de l’âme et du corps. Ces trois miracles sont des difficultés fondamentales, qui ne trouvent pas de solution dans le Discours de la méthode ni dans les Méditations. En fait, ces soi-disant miracles ne sont que des difficultés de compréhension de la réalité induite par la philosophie dualiste. Descartes est dualiste, en cela qu’il distingue le corps et l’âme, soit la substance étendue et la substance intellectuelle. Il y aurait donc d’un côté ce qui est réel sensiblement et de l’autre ce qui est réel intellectuellement. Une telle visions des choses engendre des contradictions assez évidentes. Comment, alors que nous sommes dans un monde gouverné par les lois de la nature, où tous les effets ont leurs causes, notre volonté pourrait-elle être libre et nous gouverner indépendamment de l’état où se trouve notre corps ? Et comment notre pensée dirige-t-elle nos mouvements ? Comment Dieu, qui n’est pas étendu, a-t-il crée l’étendue ? Comme ces questions n’admettent pas de réponse, puisqu’elles sont générées par une vision du monde sont les prémisses sont fausses, Descartes veut classer le dossier d’enquête en posant dessus le joli mot de miracle. Le coup de force de Spinoza est de détruire ces chimères, en proclamant l’unité profonde de la réalité et de Dieu, et l’intelligibilité intégrale du réel.


→ C’est en ce sens qu’il écrit dans les définitions du livre II de l’ Éthique : « Par perfection et par réalité, j’entends la même chose. »

Clément Rosset : Oui mais gare au contre-sens ! Spinoza ne nous dit nullement ici que la réalité est  parfaite, au sens où rien ne serait susceptible de la moindre amélioration. Il veut dire qu’il est inutile de chercher une chimérique perfection en dehors de la réalité, dans une hypothétique substance inétendue, en Dieu ou dans l’au-delà. C’est une mise en garde, en fait, qui déjoue le levier habituel de la croyance religieuse : ne vous détournez pas de ce monde pour vous mettre à adorer une perfection divine qui lui serait étrangère, sachez qu’il n’y a pas de perfection en dehors de ce qui existe. Par ailleurs, Spinoza a écrit  l’Éthique en latin, mais c’est une langue qu’il ne connaissait pas très bien ; il a souhaité la manier, pour se débarrasser de tous les réflexes entraînés par l’usage. Il a appris le latin pour évoluer dans un langage abstrait, pur. Cela explique certaines bizarreries que l’on ressent en le lisant, y compris dans les traductions françaises. Spinoza pensait en hébreu. Son latin parfois malaisé permet des précipités linguistiques saisissants. « Dieu s’aime lui-même d’un amour infini », écrit-il encore. Mais Dieu, pour Spinoza, c’est la nature, et sa phrase ne veut rien dire d’autre que : la nature est infiniment superposée à elle-même, il ne lui manque rien.


→ À ce propos, on a beaucoup reproché à Spinoza la sécheresse de sa définition de l’amour : « L’amour est une joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure » (Ethique, III) Qu’en pensez-vous ?

Clément Rosset :  Pour ma part, je ne connais aucune définition produite par nos plus grands analystes de l’amour qui vaille celle-là. L’amour est presque une chose en soi, mais pas tout à fait. Les choses que l’on peut considérer tout uniment sont Dieu (ou la nature), l’étendue, la substance. Elles ne sont pas très nombreuses. Le monde est formé d’une seule substance ; soit, mais il y a des choses qui ne sont pas entières ontologiquement, qui ont leurs cause en dehors d’elles. C’est le cas de l’amour. De plus, il y a des causes adjuvantes associées, qui ont leur propre influence. « La Haine qui est entièrement vaincue par l’Amour se change en Amour, et l’Amour est pour cette raison plus grand que si la Haine n’eût pas précédé » (Éthique, III) Ces phrases superbes résonnent comme le tonnerre de Zeus ou comme certaines formules d’Héraclite.


→ Nous commençons à entrer dans la théorie spinoziste des affects. Pour Spinoza, il y a trois affects fondamentaux : le désir, la joie, la tristesse. Ces affects sont également très présents dans votre œuvre.

Clément Rosset :  Lorsqu’il traite du désir, Spinoza là encore, renverse toute la tradition issue de Platon. On a tort de penser qu’on désire une chose parce qu’elle est bonne. C’est le contraire qui est vrai : c’est parce que je dédire une chose qu’elle est bonne.


→  Vous faites référence à ce passage du livre III de l’Éthique : « Ce qui fonde l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir, ce n’est pas que nous jugeons qu’une chose est bonne ; mais au contraire, on juge qu’une chose est bonne parce qu’on y tend par l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir. »

Clément Rosset : Oui, ça a l’ait un peu compliqué ou subtil, et pourtant c’est l’évidence même ! Prenez l’exemple du melon. Le melon n’est ni bon ni mauvais en lui-même. Il est melon. Mais voilà qu’arrive un amateur de melon : « Oh ! Comme j’aime le melon, quelle chance j’ai de manger des melons, c’est très bon ! » Et puis arrive un autre homme qui n’aime pas les melons, qui s’exprime en ces termes : «  Le melon est mauvais, d’ailleurs je n’en mange jamais . » C’est l’appétit ou le dégoût que nous avons pour une chose qui nous permet donc de la définir tantôt comme bonne et tantôt comme mauvaise.


→   Dans le livre IV, Spinoza écrit encore : « La musique est bonne pour le mélancolique, mauvaise pour qui éprouve de la peine, mais pour le sourd elle n’est ni bonne ni mauvaise. »

Clément Rosset : Quel farceur ! De même, le melon n’est ni bon ni mauvais pour celui qui n’a pas de langue. Que la musique soit dite par Spinoza « bonne pour le mélancolique », cela semble indiquer qu’il avait le pressentiment que Brahms allait naître… Plus sérieusement, la portée subversive de Spinoza est immense : les hommes ont eu, de tout temps, tendance à se méfier de ce qui leur fait du bien. Les religions monothéistes n’enseignent pas autre chose : elles nous disent que c’est par le chemin de la privation, par le jeûne, par les épreuves multiples, bref par tout ce qui nous fait du mal et qui est pour nous source de désagrément, que nous parviendrons au bien. L’absurdité d’une telle vision du monde est évidente, et pourtant beaucoup s’y rallient. Pire encore, comme le dit Spinoza dans l’Éthique, celui qui obéit à une opinion n’oublie jamais d’essayer d’en convaincre les autres.  C’est pourquoi ceux qui s’imposent des privations essaient d’empêcher les autres de jouir et critiquent la jouissance partout où elle se trouve. C’est le grand ressort du ressentiment. Heureusement, Spinoza renverse tout cela. Il nous dispense de trouver de grandes explications morales à ce que nous trouvons bon. Tu désires une chose ? C’est qu’elle est bonne. Voilà, c’est aussi simple que cela. En allant encore plus loin, on peut dire que le paradis, ce n’est pas un monde où l’on obtiendrait tout ce que l’on désire, mais un monde où l’on désire. Car ce désir nous fait voir le monde comme bon.


→  La joie de Spinoza est quand même très austère, comparée à la vôtre. Spinoza fait par exemple l’éloge de la sobriété, tandis que vous faites celui de l’ivrognerie dans le Traité de l’idiotie. Votre joie à vous n’est-elle pas trop goumande, trop rieuse pour être encore authentiquement spinoziste ?

Clément Rosset : Je crois que l’écart est surtout dû au changement du contexte historique. Spinoza était libéral en matière de mœurs, mais dans un climat rigoriste. Quant à moi, j’en rajoute un peu quand je fais l’éloge de l’ivrognerie, c’est surtout pour faire râler les moralisateurs. Cependant, ne nous y trompons pas. Je me sens très proche de l’idée de Spinoza, selon laquelle la joie permet l’accès à la sagesse. De plus, être joyeux suppose une purgation des passions négatives. Il a une méthode un peu froide, un peu trop géométrique, de décrire cette purgation des passions. Cependant, à force de lire Spinoza, je me suis convaincu que cet homme avait été, dans sa jeunesse, très colérique, et qu’il avait réussi à se délivrer de ses accès de colère. Cela se sent dans ses démonstrations, qui sont tumultueuses, emportées, souvent en rupture avec le style des propositions et des scolies. Toutes proportions gardées, je me sens proche de ce cheminement. Moi aussi, j’étais un grand colérique. Et je crois m’être complètement débarrassé de cet affect, pour être capable d’embrasser joyeusement l’existence. Mais, vous savez, Spinoza est une sorte de bouddha, une divinité philosophique qui domine toutes les autres philosophies. On n’aura jamais fini de comprendre l’Éthique. Elle est au-dessus de tous les autres. »

#1147 Le 21/11/2019, à 08:32

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Re : La p'tite heure du café philo

side a écrit :

Apporter un peu de philosophie

« La seule preuve pour ou contre un être, c’est de savoir si sa présence nous abaisse ou nous élève. » (Robert Musil)

#1148 Le 21/11/2019, à 08:35

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Re : La p'tite heure du café philo

side a écrit :

Apporter un peu de philosophie

« Il n'existe que deux choses infinies, l'univers et la bêtise humaine... mais pour l'univers, je n'ai pas de certitude absolue. » (Albert Einstein)

#1149 Le 21/11/2019, à 08:51

Compte supprimé

Re : La p'tite heure du café philo

Ah... c'est reparti.
P***** side, avec ta vidéo tu nous as vexé le jackpot, on va bouffer du copier-coller en veux-tu en voilà !

Allez, jackpot, passe à autre chose. Comment tu dis déjà ?

NexT !
lol

#1150 Le 21/11/2019, à 09:18

Compte anonymisé

Re : La p'tite heure du café philo

murph a écrit :

Ah... c'est reparti.
P***** side, avec ta vidéo tu nous as vexé le jackpot,

Bien au contraire. Et je remercie side d'inviter à se concentrer sur l'essentiel : la philosophie. Par ailleurs, je suis ici aussi pour m'éclater et je m'éclate en recopiant ces textes qui sont pour moi des trésors de réflexions et de sacrées passerelles. Nos bisbilles bas de plafond ne m'intéressent pas et je continuerai à semer à ma façon. Que ça plaise ou que ça déplaise, rien à cirer.  Au risque positif que cela puisse donner envie à certains qui viendraient ici en sous-marin et que la philo pourrait commencer à intéresser. C'est surtout à eux que je pense en postant ainsi.

Dernière modification par Compte anonymisé (Le 21/11/2019, à 09:19)