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#1 Le 26/08/2010, à 08:59

Crocoii

La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

ǤƦƯƝƬ a écrit :

C'est pour cela que je maintiens que, en cas de découverte d'une relation de ce type, ça me paraît nécessaire de demander à des psys d'examiner l'enfant victime, afin de déterminer si son "consentement" est du à une influence néfaste de l'adulte, ou s'il n'y a rien de malsain dans la relation.

Suite à la lecture du post ci contre, je me suis demandé en quoi le psy était plus qualifié qu'un juge et s'il n'y avait pas là un amalgame.

Je m'explique.
La science se sépare en deux familles, la famille quantitative et la famille qualitative. C'est à dire en langage commun les sciences utilisant la mesure (mathématique, physique, biologie, médecine) et les sciences de l'homme n'ayant comme critère du vrai que la logique (philosophie, sociologie, histoire et psychologie).

Nous arrivons au gros problème des sciences de l'homme, la falsifiabilité. Généralement, un discours scientifique doit avoir la possibilité d'être démontré faux. Le problème est que les sciences de l'homme ont peu ou pas accès à la méthode expérimentale. Je vais aller dans le détail pour la psycha mais le problème se pose sur toutes.

Reproduire les conditions d'une expérience est difficile. Nous pouvons difficilement imaginer violer un groupe d'individu pour ensuite explorer les conséquences psychologiques.
De plus, cela sous endenterait que la psyché agit et réagit de façon mécanique. Ce qui revient à prêter à l'homme de n'être juste qu'une machine complexe.
D'ailleurs, Freud l'a bien compris et utilise la poésie (le mythe d'œdipe) pour parler d'une problème qu'il constate.

Parenthèse fini, je reviens à la source de mon problème. Si le psy porte un jugement, en quoi serait il plus qualifié qu'un juge ? Je ne dis pas qu'il ne doit pas l'assister, son soucis de la psyché lui donne des prédispositions, mais il effectuera lui aussi un jugement influencé par des paradigmes et n'aura pas une réponse objective.


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

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#2 Le 26/08/2010, à 09:33

Newar

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

La différence entre le psy* et le juge, c'est que les psy* ont la formation et les outils.
Déjà, ce qui m'énerve, c'est que tu fous tous les psy* dans le même panier. Ce qui fait que tu en arrives à dires des trucs totalement erronés comme "Le problème est que les sciences de l'homme ont peu ou pas accès à la méthode expérimentale", qui est totalement faux. Plus de la moitié des branches de la psychologie (pour en citer quelques unes : sociales, cognitives, différentielles, dévelopementales, une partie de la crimino) ne repose QUE sur la méthode scientifique pour vérifier ou démentir les théories. Ce sont des branches très développées, depuis un siècle ou deux, très rigoureuses. Donc si, les "sciences de l"homme" ont accès à la méthode expérimentale, c'est même la composante a plus importante de plus de la moitié de ses branches.

En revanche, oui, toute la partie clinique (psychanalyse, psychologie clinique, psychiatrie) repose en une très bonne part sur une méthode bien moins scientifique (même si les branches expérimentales ont aussi développés des outils cliniques avec la méthode expérimentale).

De plus, cela sous endenterait que la psyché agit et réagit de façon mécanique.

Je t'encourage à consulter les travaux en psychologie expérimentale, et tu verras qu'on a tous des réactions similaires.

Bref.
Si le psy est plus à même de juger qu'un juge, c'est tout simplement qu'il a les outils et le bagage théorique que n'a pas le juge.
Les experts judiciaires sont généralement des cliniciens, avec une importante expérience : il faut avoir travaillé en tant que psy pendant au moins 5 ans, déjà. De plus, la plupart ont reçu une formation universitaire dans ce but. Tout ça, ça leur donne déjà la possibilité de consulter des centaines voire des milliers de cas, de l'étudier en profondeur, et d'en apprendre les nuances.
Quoique l'idée d'un esprit humain "mécanique" semble te déranger, c'est pourtant un fait. Au bout de plusieurs années d'expérience et d'études, certains paradigmes (comme tu le dis, et ça n'est pas un mal) deviennent naturels et évident. Statistiquement, un enfant victime de viol aura tel, tel, tel, et tel symptômes. Selon ceux qu'il présente, leur fréquence, etc, on peut déjà émettre un jugement. Les entretiens qui suivent, selon différentes méthodes (directives, semi-directives, etc) permettent là-aussi de tirer les informations nécessaires.
Ajouté à cela, tu as les méthodes projectives et les méthodes expérimentales qui ont rajouté des outils.
La projective nous a donné des tests tels que le Rorschach, le TAT, ou d'autres tests spécialement développés pour le judiciaire. Quoique je sois d'accord pour dire que ces tests ne sont pas fiables à 100% car développés avec la méthode clinique, ils sont quand même de sérieux indices. Là aussi, les statistiques permettent de mettre en évidence certaines réponses caractéristiques de victimes de telle ou telle chose.
Les outils expérimentaux, eux, sont bien plus fiables, car testés scientifiquement. Là aussi, certaines réponses sont caractéristiques de certaines choses.
Ces tests permettent aussi de mettre en évidence l'âge mental du sujet, sa maturité, et d'autres caractéristiques importantes pour rendre un jugement.

Enfin, si tout ça n'était pas déjà suffisant (bagage théorique + expérience d'un pro + outils), il y a deux derniers points très importants.
Tout d'abord, ce que j'appellerais l'instinct. Un psychologue, à la base, c'est quelqu'un qui a une bonne compétence empathique (naturelle et entrainée). Les années d'expérience ne font que raffermir cette compétence, et rendent d'une façon générale plus sensibles et plus perceptifs du langage corporel, ou de lire plus en avant dans le discours. Les juges n'ont pas ça, du moins moins systématiquement.
Enfin, il y a le recul. Le juge est dans l'affaire, là où le psy a un regard plus reculé, car moins impliqué.

Voilà en quoi il est plus qualifié.

Dernière modification par Newar (Le 26/08/2010, à 09:36)


Heil Bescherelle o/ !
Du reste,
"Vas-y, dis une connerie. 
- Ben je sais pas, moi... La vie est belle ?" (Delicatessen)

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#3 Le 26/08/2010, à 09:36

Khalev

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Crocoii a écrit :

Parenthèse fini, je reviens à la source de mon problème. Si le psy porte un jugement, en quoi serait il plus qualifié qu'un juge ? Je ne dis pas qu'il ne doit pas l'assister, son soucis de la psyché lui donne des prédispositions, mais il effectuera lui aussi un jugement influencé par des paradigmes et n'aura pas une réponse objective.

Ce n'est pas au psy de porter un jugement. Il doit faire la psychanalyse, rapporter ses découvertes, ses doutes, et ses conseils. Mais le juge est seul juge. Il peut très bien aller à l'encontre de la décision du psy.

Le plus difficile pour le psy est de rester neutre. Mais le juge peut, en cas de doute, demander une contre-expertise par un autre psy, et ainsi réduire la part de subjectif.

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#4 Le 26/08/2010, à 09:39

Newar

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Oui, enfin le psy* doit tout de même rendre un jugement, sur l'état mental du sujet expertisé, la véracité estimée de ses propos, etc etc, jugement qui est en effet transmis au juge, qui peut s'il le souhait s'en foutre.

Mais je crois que ça reste rare, de nos jours, les juges qui ignorent les expertises.


Heil Bescherelle o/ !
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#5 Le 26/08/2010, à 09:40

Grünt

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Je te retourne le problème: en quoi un juge serait qualifié pour juger?
Le fait qu'il connaisse le droit et l'applique bien n'implique pas que sa décision soit humainement et raisonnablement acceptable, dans les cas où:
- la loi est mal faite,
- la loi n'a pas été écrite en pensant au cas particulier qui se produit.


Red flashing lights. I bet they mean something.

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#6 Le 26/08/2010, à 09:47

Khalev

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Newar a écrit :

Oui, enfin le psy* doit tout de même rendre un jugement, sur l'état mental du sujet expertisé, la véracité estimée de ses propos, etc etc, jugement qui est en effet transmis au juge, qui peut s'il le souhait s'en foutre.

Mais je crois que ça reste rare, de nos jours, les juges qui ignorent les expertises.

C'est pas un jugements qu'il donne. Il donne des conclusions. Et des conseils sur la suite.

Il y a une légère différence dans le sens où le psy ne s'engage pas personnellement dans la conclusion, il n'engage que ses travaux et sa science. (Il ne dit pas: je juge telle personne psychopathe. Il va dire: à la vue des épisodes énoncés ci-dessus, et des analyses qui en ont été faites, on peut en conclure que la personne est psychopathe).

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#7 Le 26/08/2010, à 09:52

Newar

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Oui, enfin là c'est jouer sur les mots smile.
Mais bref, on voit tous ce que voulait dire l'OP.


Heil Bescherelle o/ !
Du reste,
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#8 Le 26/08/2010, à 10:11

Khalev

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Newar a écrit :

Oui, enfin là c'est jouer sur les mots smile.

Oui, mais... les mots ont un sens.

Surtout dans ce contexte. C'est la petite différence qui fait tout. Et qui fait qu'un psy est plus à même de psychanalyser une personne, et que le juge est à même de rendre un jugement.

wink

P.S: désolé je suis maniaque du sens des mots wink.

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#9 Le 26/08/2010, à 10:14

Newar

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Pas de soucis, je comprends tongue.
Mais dans ce cas vaut mieux être précis aussi, et plutôt parler d'expertise que de psychanalyse. Une psychanalyse c'est trop restrictif et trop clinique par rapport à ce qui se passe durant une expertise :3.


Heil Bescherelle o/ !
Du reste,
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#10 Le 26/08/2010, à 11:01

compte supprimé

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Crocoii a écrit :
ǤƦƯƝƬ a écrit :

C'est pour cela que je maintiens que, en cas de découverte d'une relation de ce type, ça me paraît nécessaire de demander à des psys d'examiner l'enfant victime, afin de déterminer si son "consentement" est du à une influence néfaste de l'adulte, ou s'il n'y a rien de malsain dans la relation.

Suite à la lecture du post ci contre, je me suis demandé en quoi le psy était plus qualifié qu'un juge et s'il n'y avait pas là un amalgame.

Si le psy porte un jugement, en quoi serait il plus qualifié qu'un juge ?

Le psychiatre, dans les affaires judiciaires (ni en pratique clinique d'ailleurs), ne porte pas de jugement. Il donne un diagnostic médical et éventuellement un pronostic si l'état des connaissances scientifiques le permet.
Il essaiera donc de répondre à la question posée par le juge, soit dans le cas présent : la personne était elle librement consentante ou sous influence.

Mais cette réponse n'est en aucun cas un jugement, c'est un avis consultatif d'expert à destination du juge, qui n'est pas obligé légalement de le suivre. En pratique cet avis n'est d'ailleurs pas suivi systématiquement. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder le nombre de personnes en détention pour lesquels les experts psychiatres avaient conclu à l'irresponsabilité pénale. Le jugement est donc seulement l'affaire du juge et des jurés qui sont seuls habilités pour décider que la situation était contraire ou non à la loi. En aucun cas les experts psychiatres ne portent de jugement car ils ne sont effectivement pas qualifiés pour le faire (au sens qu'il ne sont pas juristes). Le législateur a sagement voulu introduire une dichotomie entre l'expertise médicale et la décision juridique.

#11 Le 26/08/2010, à 12:54

Khalev

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Newar a écrit :

Pas de soucis, je comprends tongue.
Mais dans ce cas vaut mieux être précis aussi, et plutôt parler d'expertise que de psychanalyse. Une psychanalyse c'est trop restrictif et trop clinique par rapport à ce qui se passe durant une expertise :3.

Exact.

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#12 Le 26/08/2010, à 22:20

Crocoii

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

ǤƦƯƝƬ a écrit :

Je te retourne le problème: en quoi un juge serait qualifié pour juger?
Le fait qu'il connaisse le droit et l'applique bien n'implique pas que sa décision soit humainement et raisonnablement acceptable, dans les cas où:
- la loi est mal faite,
- la loi n'a pas été écrite en pensant au cas particulier qui se produit.

Je voulais limiter la polémique. Je savais qu'affirmer que "l'homme n'est pas un automate et que c'est mélanger poule et renard que de confondre science qualitative et quantitative" était déjà amplement suffisant pour ne pas compliquer l'affaire.

Pour faire bref, avant de répondre aux autres messages, la juridiction française, aussi imparfaite qu'elle est, aura toujours une supériorité face à une assemblée plénière des concernés où les passions se déchaineront (imaginons les mêmes habitants d'un village face à un crime), brouillant toute possibilité de distance que nécessite un jugement.
Et là, je parle de plusieurs expériences personnelles, où à chaque fois, nous avions choisis l'assemblé par refus du juge pour finalement tomber dans la selection d'un bouc émissaire avec excommunions à la clé...


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

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#13 Le 26/08/2010, à 23:26

Crocoii

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Newar a écrit :

La différence entre le psy* et le juge, c'est que les psy* ont la formation et les outils.
Déjà, ce qui m'énerve, c'est que tu fous tous les psy* dans le même panier. Ce qui fait que tu en arrives à dires des trucs totalement erronés comme "Le problème est que les sciences de l'homme ont peu ou pas accès à la méthode expérimentale", qui est totalement faux. Plus de la moitié des branches de la psychologie (pour en citer quelques unes : sociales, cognitives, différentielles, dévelopementales, une partie de la crimino) ne repose QUE sur la méthode scientifique pour vérifier ou démentir les théories. Ce sont des branches très développées, depuis un siècle ou deux, très rigoureuses. Donc si, les "sciences de l"homme" ont accès à la méthode expérimentale, c'est même la composante a plus importante de plus de la moitié de ses branches.

Nous avons une grande différence de paradigme. Ou d'axiome.

La cygne est blanc affirmait en Rome antique que l'individu disait la vérité, qu'il touchait du bois.
Nous avons découvert des cygnes noirs en Australie...

Le grand problème de la psycha qui travaille sur échantillon de population est que ce n'est qu'un échantillon, ciblé géographiquement dans le temps et l'espace. Si ils obtiennent des résultats qui concordent entre différentes universités d'une civilisation, leur résultat, comme dans toute science, ne permet pas l'inférence mais juste l'émission d'une thèse falsifiable.
Et, le principe de base de la compilation statistique est qu'il existe une moyenne qui sera normatif (pourquoi interroger X individus sur Y si il n'y a rien à en dire de quantitatif ?)

Or trois soucis immédiats me viennent :
Que signifie de penser que l'homme est mécanique ? Pourquoi alors lire de la poésie, croire voir vivre ?
Là, nous touchons à un axiome. L'homme est pour moi un être symbolique, le rendre mécanique est antithétique. S'il agit mécaniquement, c'est lié à une passion croissante envers l'artefact et son sentiment d'être obsolète face à la machine. Il me revient à l'esprit une citation inexacte de Lacan où il déclare que la personne normale n'a jamais écouté son for intérieur.

Qu'est ce qui prouve que l'échantillon est humainement représentatif dans l'espace ? dans le temps ? D'où peut il transcender sa finitude ? La multiplication de l'expérience reste locale. Un romain qui demande à d'autres romains s'ils constatent que les cygnes sont blancs le lui confirmeront.
L'inférence statistique est non valide (illogique, en mot simple).

En quoi l'homme est quantifiable ? Cela voudrait dire qu'il est normé. Qu'est ce qu'un homme normée ?

Newar a écrit :

Un psychologue, à la base, c'est quelqu'un qui a une bonne compétence empathique (naturelle et entrainée). Les années d'expérience ne font que raffermir cette compétence, et rendent d'une façon générale plus sensibles et plus perceptifs du langage corporel, ou de lire plus en avant dans le discours. Les juges n'ont pas ça, du moins moins systématiquement.

J'approuve amplement. Je l'aurais dit autrement car il me parait antithétique de dire que l'homme est un animal empathique et qu'il est mécanique.

Quand au recul, c'est le rôle symbolique (je n'ai pas dit réel ou légal) du juge, s'il ne l'a pas, heureusement qu'il en porte toujours la robe.

Pour Hopiment et Khaliv
Merci pour les clarifications. Le rôle du psy dans un événement juridique me parait bien plus clair.


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

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#14 Le 27/08/2010, à 11:11

gostatino

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Nous avons une grande différence de paradigme.

Je crois surtout qu'il y a dans le monde psy plusieurs paradigmes différents. Et qui sont liés à des activités différentes, dans des contextes différents etc..
Le psychologue cognitiviste qui fait de la recherche en "laboratoire", qui travaille sur des cohortes dans un cadre universitaire, n'a pas grand chose en commun avec le psychanalyste qui reçoit un patient en cabinet privé, et les deux n'ont pas grand chose en commun avec le psychiatre qui pratique une thérapie comportementale dans le cadre d'une clinique privée. Et les choses se compliquent quand on sait que : toute une partie des étudiants en psychologie se destine au monde des entreprises, parfois pour seconder le DRH ou occuper sa fonction, qu'une partie des psychiatres exerce en cabinet privé la psychanalyse en plus de la fonction qu'ils exercent à l'hôpital, que les psychanalystes passent en général pas mal de temps en dehors de leurs cabinets à faire de la "recherche" au sein de leurs associations - mais que cette recherche ne ressemble en rien aux "recherches" qui sont menés selon le paradigme cognitiviste. Je suis moi-même psychanalyste en cabinet privé, et je reçois régulièrement une psychiatre (formée à l'école cognitivo-comportementale), et plusieurs jeunes psychologues (travaillant dans le secteur social ou en clinique) : ils viennent en partie pour réfléchir sur leurs pratiques, et les difficultés qu'ils rencontrent avec leurs patients (et utilisent le cadre psychanalytique que je leur propose pour y réfléchir, bien que ce ne soit pas le "paradigme" qu'ils ont choisi d'utiliser prioritairement dans leurs travail quotidien).. sans oublier que beaucoup de praticiens font appel dans leur clinique à des "recettes" psychothérapeutiques (voir le succès du développement personnel et ses dérivés). Bref.. Tout cela pour dire à quel point "l'espace psy" comme dit Samuel Lezé dans son dernier livre, L'autorité des psychanalystes, PUF 2010 (voir surtout le milieu du livre) est extrêmement bigarré, complexe, et ne se laisse pas réduire au modèle de la psychologie expérimentale.

Pour ce qui est de la scientificité là dedans.. Je fais partie des (rares ?) psychanalystes qui considèrent que les remarques de Popper (sur l'infalsifiabilité des énoncés freudiens) ou de Wittgenstein (sur le "charme" des interprétations psychanalytiques, lequel charme rend mieux compte de l'adhésion à ces interprétations, plutôt que de leur prétendue "valeur de vérité"i), sont justes, quoique tombent d'une certaine manière à côté de la plaque : en effet, si on se place dans la situation la plus courante pour la plupart des psys (parce que les cognitivistes de laboratoire constituent tout de même une partie extrêmement minoritaire du monde des gens qui revendiquent la particule "psy"), c'est-à-dire le travail avec un patient ou un groupe de patients, la question épistémologique de la valeur scientifique des énoncés produits dans ce cadre n'est vraiment pas le souci primordial - c'est le moins qu'on puisse dire ! (et d'une certaine manière je le regrette). Mais je crois qu'il faut élargir ici le champ de nos attentes : qu'on ne puisse évidemment pas atteindre, quelle que soit la méthode ou les modèles avec lesquels on opère, concernant le psychisme, un degré d'objectivité comparable à celui qu'on est en droit d'attendre du chercheur en sciences dures, c'est une constatation triviale. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas tout de même une certaine objectivité, une objectivité relative - dans le cadre d'un paradigme donné, ou d'une situation de toutes façons complexe, et irréductiblement complexe : quand vous avez un patient en crise, qui menace de se jeter par la fenêtre ou qui se met à délirer ou à halluciner, vous n'êtes pas en mesure, en tant que praticien, de mettre en place des conditions expérimentales purifiées (ce serait complètement délirant, inhumain et sadique !), à la façon dont les physiciens parviennent à étudier tout de même des systèmes "catastrophiques" : bref, un cabinet d'analyste ou un atelier en psychiatrie n'est pas un laboratoire ! Nous sommes (et ce quelle que soit notre méthode), obligé de travailler, parce que c'est là notre objet, la subjectivité, dans le registre de l'approximatif, du conjectural, de l'intuition. le pire danger pour un praticien à mon sens, serait justement de se laisser gagner par des certitudes (et cela arrive croyez moi, et produit de grands dégâts).

Pour en revenir au sujet de ce thread, l'expertise psychiatrique : je vous conseille de lire l'excellent chapitre à ce sujet de Pierre-Henri Castel dans son livre L'esprit Malade, Ithaque 2009. PHH Castel raconte là une situation d'expertise qu'il a rencontré avec un patient (qui, sur un coup de folie, venait d'occire sa maman). Il est bien évident que le psy qui écoute, suite à a demande du tribunal, ce genre de personne, ne travaille pas dans un laboratoire de psychologie expérimental. Il travaille dans le monde tout court, dans la cité, et à ce titre, il a à faire avec une multiplicité d'attentes de toutes sortes, morales, judiciaires, psychanalytiques, comportementalistes, voire politiques (comment passer sous silence le climat inspiré par la manière dont le gouvernement entend traiter les "schizophrènes" - au sujet desquels on dit tout et n'importe quoi), etc etc. On lui demande quoi à l'expert ? De se prononcer, dans le cadre d'un jeu de langage juridique, non pas tant directement sur la culpabilité de l'accusé, mais sur son degré de responsabilité : était-il, au moment où il a commis l'acte, dans un état de lucidité ou de conscience suffisant ou pas etc.. Tout cela est affaire de "jugement", au sens où ce que vous pourrez dire, c'est vous qui le dites, en tant que psy singulier, et non pas la science qui le dit. D'où le fait que bien souvent, les avis des experts divergent.

Pour conclure, je dirais simplement que, parce que là nous avons affaire à une "matière" "humaine" (la vie psychique, subjective, la parole, les actes), il serait non seulement mal venu mais naïf d'attendre des psys ou des experts un degré d'objectivité ou de scientificité comparable à ceux qu'on est en droit d'attendre dans les sciences dures (lesquelles soit dit en passant, ne sont pas si "scientifiques" que cela smile mais c'est une autre histoire.. ). ET c'est tant mieux : parce que la psychologie "scientifique" ou prétendue telle, ça a quand même donné des choses assez monstrueuses dans l'histoire (mais je ne veux pas ici flirter avec le point godwin, donc je passerai les exemples sous silence.)

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#15 Le 27/08/2010, à 11:36

Adhémar

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Que signifie de penser que l'homme est mécanique ? Pourquoi alors lire de la poésie, croire voir vivre ?
Là, nous touchons à un axiome. L'homme est pour moi un être symbolique, le rendre mécanique est antithétique. S'il agit mécaniquement, c'est lié à une passion croissante envers l'artefact et son sentiment d'être obsolète face à la machine. Il me revient à l'esprit une citation inexacte de Lacan où il déclare que la personne normale n'a jamais écouté son for intérieur.

Bah, rien. A part la psychanalyse qui suppose un déterminisme psychique mais dont le status scientifique est discutable, la plupart des théories psychologiques me semblent être des théories 'phénoménologiques', çàd plutôt une collection de modèles qui ne font pas trop d'hypothèses sur la dynamique fondamentale de l'esprit humain.


Qu'est ce qui prouve que l'échantillon est humainement représentatif dans l'espace ? dans le temps ? D'où peut il transcender sa finitude ? La multiplication de l'expérience reste locale. Un romain qui demande à d'autres romains s'ils constatent que les cygnes sont blancs le lui confirmeront.
L'inférence statistique est non valide (illogique, en mot simple).

Bah, c'est toujours le même débat qui revient dans les cours de philo de 1ère année: la science n'est pas une connaissance valide, parce qu'une inférence n'est pas un raisonnement valide. C'est doublement stupide, tout d'abord parce que la définition même de raisonnement logique suppose des axiomes de logique qui ne peuvent donc pas être démontrés 'logiquement', mais ensuite parce que le but de la science n'est pas de produire des vérités logiques, mais des vérités probables.


En quoi l'homme est quantifiable ? Cela voudrait dire qu'il est normé. Qu'est ce qu'un homme normée ?

Je vois bien l'idée que tu as en tête: tout les déterminants psychiques seraient représentés par des nombres, et on aurait une bonne vieille distribution gaussienne sur ces paramètres. Si tu es proche de la moyenne (à un écart-type, disons), tu es normé, sinon, tu es anormal.

Là, j'ai une bonne nouvelle pour toi: tout d'abord il existe d'autres distributions que la gaussienne. Par exemple, on sait qu'il y a 50% d'hommes et 50% de femmes, avec une fluctuation de l'ordre du % autour de cette moyenne. Si tu es 100% homme ou 100% femme, tu es anormal ? Ensuite, le passage du 'quantifiable' au 'normé', c'est un jugement de valeur. La science ne fait pas de jugements de valeurs, elle ne fait que décrire des faits.

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#16 Le 27/08/2010, à 12:40

SoJaS

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

@ gostatino:
Post très intéressant, et je dois avouer qu'il est très agréable de voir un psychanalyste reconnaître une certaine légitimité  à l'épistémologie popperienne, tout en reconnaissant ne pas s'y inscrire totalement (à juste titre me semble-t-il), si je t'ai bien compris. smile

Ce que tu dis sur la nature et la valeur de l'expertise psychiatrique (et autres) dans le cadre légal me fait penser aux travaux de Foucault sur la folie, et sur les rapports troubles que ce dernier voit, dans la constitution de la psychiatrie en tant que discipline scientifique, entre différents discours, relevant tantôt de l'ordre moral, tantôt de l'ordre légal, et tantôt encore de l'ordre de la connaissance "scientifique".

Pour conclure, je dirais simplement que, parce que là nous avons affaire à une "matière" "humaine" (la vie psychique, subjective, la parole, les actes), il serait non seulement mal venu mais naïf d'attendre des psys ou des experts un degré d'objectivité ou de scientificité comparable à ceux qu'on est en droit d'attendre dans les sciences dures (lesquelles soit dit en passant, ne sont pas si "scientifiques" que cela smile mais c'est une autre histoire.. ).

Je dirais qu'au contraire il s'agit bien de l'histoire qui nous concerne, puisqu'il s'agit finalement d'évaluer la valeur de l'expertise des "psychologies" à l'aune de leur "scientificité". Il serait donc intéressant de définir cette "scientificité", et de voir comment celle-ci peut se décliner (et possiblement se différencier) dans le cadre des sciences naturelles et dans le cadre des sciences humaines.


« La vie est un jeu dont la première règle dit : ce n'est pas un jeu, rien n'est plus sérieux. »

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#17 Le 27/08/2010, à 16:30

gostatino

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Je dirais qu'au contraire il s'agit bien de l'histoire qui nous concerne, puisqu'il s'agit finalement d'évaluer la valeur de l'expertise des "psychologies" à l'aune de leur "scientificité". Il serait donc intéressant de définir cette "scientificité", et de voir comment celle-ci peut se décliner (et possiblement se différencier) dans le cadre des sciences naturelles et dans le cadre des sciences humaines.

le problème semble-t-il, c'est qu'on part du principe qu'il existe quelque chose comme une épistémologie générale et unique valant pour tous les champs de la recherche.
Or, je ferais deux remarques :

1. si on se tient au jus de la philosophie, de l'histoire et de l'anthropologie des sciences, humaines et expérimentales, on se rend très vite compte que les travaux de ces disons 50 dernières années, disons depuis T.S. Kuhn, Feyerabend, Lakatos, et j'en passe, mais même avant ! à commencer par Poincaré ou Quine !) remettent en question l'idée qu'existe une telle épistémologie générale. Entre les règles de validité de la biologie et de la physique, et encore ! entre la théorie de la relativité générale et la mécanique quantique et aujourd'hui la théorie des cordes et des super cordes, il n'est pas évident que les mêmes types de règles s'appliquent ! la théorie des cordes par exemple est-elle scientifique au sens où l'est la relativité générale ? Est-ce que cette question a un sens ??
Bref : le postulat naïf selon lequel il existerait une épistémologie générale et unifiée, et par la même une définition unique de la science, est totalement battu en brèche par la plupart des chercheurs (ce postulat étant d'ailleurs considéré comme une marque de "scientisme" - ce qui n'est pas spécialement mélioratif dans l'esprit de ceux qui emploient ce mot). À partir de là, reprocher aux sciences humaines de ne pas être scientifiques, ou de prétendre l'être, me paraît extrêmement rapide et discutable. Cela dit ! Il n'empêche qu'on est droit d'attendre d'un chercheur, qu'il travaille sur les êtres non-humains, ou les hybrides (pour reprendre la terminologie de Bruno Latour) ou les humains, qu'il puisse faire valoir et expliciter une méthode visant à plus d'objectivité (ce n'est pas, comme le dit Pierre-Henri Castel dans le bouquin que je cite plus haut, parce qu'on ne peut prétendre à une objectivité absolue (et qui peut y prétendre d'ailleurs, même dans les sciences dures ?), qu'on n'a pas la possibilité de viser plus d'objectivité)

2. L'expertise des psys (généralement psychiatre, plus rarement psychologues, adeptes ou pas du style d'interprétation psychanalytique etc..) en matière pénale ne relève pas de la science. Ça me paraît un point capital. cela relève d'un champ très important de l'existence humaine qu'on peut appeler le "jugement", l'évaluation, bref, de ce qu'on peut  identifier comme les pratiques sociales et politiques. J'ai coutume de dire par exemple que dans une séance de psychanalyse, le problème majeur est que nous essayons de penser dans le feu de l'action, c'est-à-dire sous l'effet d'une relation de transfert forcément complexe. Dans le bureau où l'expert psychiatre reçoit l'accusé dont on soupçonne que ses facultés psychiques aient été altérées au moment où il a commis l'acte qui lui vaut d'être là où il est, nous ne sommes pas dans un laboratoire. Le savoir du psychiatre comme il a été dit plus haut par Newar relève non seulement d'un bagage théorique, de modèles qu'il a en tête quand il écoute l'accusé, mais également de son expérience clinique, de son intuition, or, l'intuition, à force de s'exercer, s'affine et se raffermit. Pour autant, il reste une part tout à fait fondamentale de la rencontre entre le psy, fut-il expert, et la personne qu'il reçoit, fut-elle accusé des pires maux : c'est une relation entre deux sujets, chacun dotés d'un certain nombre de préjugés moraux, de préconceptions, et susceptibles d'entrer en conflit, de s'influencer l'une l'autre, de se séduire, d'être en proie à des sentiments de pitié, de colère, de haine, d'amour, etc etc.. On est rarement dans une telle situation quand on reçoit dans son laboratoire afin de l'étudier un atome ou une particule. J'ai rarement entendu dire d'un chercheur en laboratoire qu'il était pris de pitié par une particule (quoiqu'on puisse très bien entendre qu'il éprouve de puissantes émotions quand il réussit à capter tel ou tel phénomène.. Mais ce n'est pas tant du au phénomène lui-même qu'aux attentes du chercheur smile

Bref. ne simplifions pas les choses. Admettons que les affaires humaines soient fort complexes, et que le champ de la pratique et du jugement n'ait qu'un rapport secondaire au champ de la science (et admettons symétriquement que le champ de la science ait également un rapport, sans doute secondaire mais tout, de même, au problémes pratiques et sociaux, économiques, et politiques et même psychologiques : je renvoie ici aux travaux des anthropologues des sciences à la sauce latourienne, qui sont certes parfois un peu biaisé, mais qui restent intéressants)

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#18 Le 27/08/2010, à 19:23

Crocoii

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Adhémar a écrit :

La science ne fait pas de jugements de valeurs, elle ne fait que décrire des faits.

L'intelligence froide qui décrit les faits est une valeur métaphysique apparu entre le XIII et le XVI. Dans la bible comme dans la chanson de Rolan, les manières de décrire laissent d'avantage de part à l'hyperbole, la métaphore, l'allégorie qu'à une description recherchant l'objectivité pour la simple raison que la notion n'existait pas.

Et mon problème avec ce genre de méthode de pensée a été très bien révélé par Lewis Mumford
"L'entreprise posthistorique commence innocemment par éliminer de la science cette source d'erreur que sont les sentiments humains : elle finira par éliminer de la réalité la nature humaine elle même".

Et je ne parle pas de science fiction. Il y a une semaine, un ingénieur, travaillant dans la robotique médicinale, a déclaré que son but inavoué était de remplacer le chirurgien. C'est à dire de rendre un homme obsolète vis à vis d'une machine. Et je constate chaque jour des artefacts qui remplacent ce que faisaientt les hommes. Ce qui me fait penser à un mythe d'Icare inversé, pour que les ailes volent, Icare était de trop...

gostatino a écrit :

[...]

Merci pour l'éclairage d'un professionnel.
Question hors sujet, comment vois tu les propos de René Girard sur le désir mimétique ?


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

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#19 Le 27/08/2010, à 19:37

gostatino

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Question hors sujet, comment vois tu les propos de René Girard sur le désir mimétique ?

c'est une de mes innombrables lacunes René Girard (de vagues souvenirs de fac de philo) : donc je les vois pas en fait (les propos) smile

Et je ne parle pas de science fiction. Il y a une semaine, un ingénieur, travaillant dans la robotique médicinale, a déclaré que son but inavoué était de remplacer le chirurgien. C'est à dire de rendre un homme obsolète vis à vis d'une machine. Et je constate chaque jour des artefacts qui remplacent ce que faisaient les hommes. Ce qui me fait penser à un mythe d'Icare inversé, pour que les ailes volent, Icare était de trop...

hé oui : ce délire n'est-il pas lié au mythe de la médecine comme "science" au sens "scientiste" du terme ?
Comme si la chirurgie n'était que l'application technique, mécanique, d'un savoir. Alors que, suffit de regarder n'importe quelle série télévisée hospitalière, il s'agit souvent de prendre la bonne décision dans une situation chaotique, soudaine, bref, d'exercer sa raison pratique dans le feu de l'action (même si ils exagèrent un peu dans les séries télé smile

juste par écho (sans doute tiré par les cheveux synthétiques) : où et comment devient-on psychiquement malade (et, éventuellement, fou) ? (je pose la question de travers exprès)

est-ce qu'on devient fou dans un laboratoire où l'examen par Imagerie à Résonance Magnétique fait apparaître des "anomalies" quelque part dans le réseau des synapses qui relient vos neurones ? (mais qu'est-ce qu'un cerveau normal sinon le cerveau d'un homme "considéré" (socialement, culturellement) comme normal ?)
est-ce qu'on le devient parce que, l'autre jour, vous vous êtes mis tout nu dans le métro en hurlant que les contrôleurs de la RATP étaient tous à la solde de la CIA ? (suite à quoi les gardiens sont venus vous chercher, et après un bref passage au commissariat, vous vous êtes retrouvés dans la salle des urgence de l'hôpital de la Salpêtrière ?)
est-ce qu'on le devient parce que quand vous étiez petit papa et maman avaient l'habitude de vous laisser tout seul des soirées entières pour aller faire la fête, après vous avoir bourré de somnifères pour être certains que vous ne vous réveillerez pas ?

Ou pour le dire autrement : est-ce que c'est une affaire 1. de cerveau "anormal" ? 2. de comportement "inapproprié" dans un contexte donné ? 3. d'un sujet fort d'une histoire personnelle qui s'essaie tant bien que mal à donner du sens à sa vie (et parfois, la manière qu'on a de donner du sens, ça peut être halluciner ou délirer etc..) ?
Ou est la machine là dedans ? Ou est-ce l'animal comportemental ? Ou est l'homme à l'esprit malade ?
(Pour le reste, ceux que ça intéresse se précipiteront sur le livre de Castel, l'Esprit Malade dont je m'inspire ici vaguement)

Et : de quel côté est la science là dedans ?

Dernière modification par gostatino (Le 27/08/2010, à 19:59)

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#20 Le 27/08/2010, à 20:03

Grünt

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Crocoii a écrit :

Que signifie de penser que l'homme est mécanique ? Pourquoi alors lire de la poésie, croire voir vivre ?

Juste au passage: quand bien même l'homme serait entièrement "mécanique", ça n'empêcherait pas la poésie et la foi (qu'elle soit religieuse, ou pas) d'être possiblement utiles à son fonctionnement.

Ma distro obéit à des règles logiques (CPU = machine de turing, bytecode qui rentre dedans, y'a pas plus mécanique), pourtant je lui fais les MAJ et les sauvegardes dont elle a besoin.

Concernant la "nécessité" de vivre, elle peut aussi s'expliquer de façon mécanique: nous sommes là pour transmettre des gênes, donc accessoirement pour vivre afin de les transmettre le mieux possible (incluant le fait de maximiser les chances que nos enfants transmettent les leurs).


Red flashing lights. I bet they mean something.

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#21 Le 27/08/2010, à 22:03

Crocoii

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

ǤƦƯƝƬ a écrit :
Crocoii a écrit :

Que signifie de penser que l'homme est mécanique ? Pourquoi alors lire de la poésie, croire voir vivre ?

Juste au passage: quand bien même l'homme serait entièrement "mécanique", ça n'empêcherait pas la poésie et la foi (qu'elle soit religieuse, ou pas) d'être possiblement utiles à son fonctionnement.

Ma distro obéit à des règles logiques (CPU = machine de turing, bytecode qui rentre dedans, y'a pas plus mécanique), pourtant je lui fais les MAJ et les sauvegardes dont elle a besoin.

Concernant la "nécessité" de vivre, elle peut aussi s'expliquer de façon mécanique: nous sommes là pour transmettre des gênes, donc accessoirement pour vivre afin de les transmettre le mieux possible (incluant le fait de maximiser les chances que nos enfants transmettent les leurs).

Ne vois tu aucune laideur à comparer l'homme à un artefact ? A déromantiser* le monde ?


*Novalis
"Quand je donne au banal un sens élevé, à l'ordinaire un aspect mystérieux, au connu la dignité de l'inconnu, au fini la lumière de l'infini, je le romantise"

gostatino a écrit :

c'est une de mes innombrables lacunes René Girard (de vagues souvenirs de fac de philo) : donc je les vois pas en fait (les propos) smile

Moi qui rêvait de parler de la violence et le sacré. Une autre fois.

l'esprit malade m'a l'air fascinant.

Le formidable développement des neurosciences depuis les années 1980 présente un paradoxe dont l'état actuel de la psychiatrie est particulièrement révélateur. Bien qu'on n'en ait jamais su autant sur le fonctionnement du cerveau, les avancées accomplies dans ce domaine n'ont permis d'éradiquer aucune des grandes pathologies mentales connues depuis deux siècles. En revanche, le style de rationalité exigible pour les décrire, les étudier et évaluer leur traitement s'est profondément transformé. La plupart des concepts psychologiques traditionnels ont été ou sont en cours de naturalisation : l'esprit, c'est ce qui s'explique à partir du cerveau.

En abordant ici les modèles animaux de la folie, les hystéries modernes, la dépression, l'énigme des « fous criminels » ou celle de la conscience schizophrénique, l'auteur poursuit en réalité trois tâches.
Il présente d'abord les mutations actuelles de quelques théories psychiatriques marquées par la domination des paradigmes neuroscientifique et évolutionniste. Il vise, ensuite, à dégager les présuppositions philosophiques ultimes de la naturalisation de la folie et des états psychiques morbides qui inspirent ces théories. Il interroge, enfin, les conditions anthropologiques du succès de l'« esprit-cerveau » en psychiatrie.

Dernière modification par Crocoii (Le 27/08/2010, à 22:03)


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

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#22 Le 27/08/2010, à 22:09

Grünt

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Crocoii a écrit :

Ne vois tu aucune laideur à comparer l'homme à un artefact ? A déromantiser* le monde ?

J'y vois une grande laideur, mais pas une incompatibilité avec les concepts de "poésie", "croyance" et "sens de la vie".


Red flashing lights. I bet they mean something.

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#23 Le 27/08/2010, à 22:19

Crocoii

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

ǤƦƯƝƬ a écrit :
Crocoii a écrit :

Ne vois tu aucune laideur à comparer l'homme à un artefact ? A déromantiser* le monde ?

J'y vois une grande laideur, mais pas une incompatibilité avec les concepts de "poésie", "croyance" et "sens de la vie".

Le rasoir d'ockham... Pourquoi un automate s'encombrerait de poésie, croyance et sens de la vie ?


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

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#24 Le 27/08/2010, à 22:38

Elzen

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Parce qu'il est conçu comme ça ?

Le principe de parcimonie ne fait rien à l'affaire.

Dernière modification par ArkSeth (Le 27/08/2010, à 22:39)

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#25 Le 27/08/2010, à 23:01

Grünt

Re : La psychologie ou la psychiatrie face au jugement.

Crocoii a écrit :

Le rasoir d'ockham... Pourquoi un automate s'encombrerait de poésie, croyance et sens de la vie ?

Le rasoir d'Ockham ne s'applique qu'aux hypothèses de départ, pas aux conclusions qui en découlent.

Pour exemple, les règles du jeu de la vie sont très simples.

Edit: et elles permettent de construire une machine de Turing, donc de simuler n'importe quel univers déterministe:
http://rendell-attic.org/gol/tm.htm

Peut-être qu'il existe un univers formé d'un "Jeu de la vie" qui soit étendu à l'infini dans ses deux directions. Cet univers était au départ peuplé de façon aléatoire.
Ce sont des hypothèses très simples (règles du jeu de la vie + peuplement aléatoire, on est loin des centaines de pages de n'importe quelle mythologie), qui répondent au principe du rasoir d'Ockham. Pourtant, un tel univers peut (doit?) évoluer jusqu'à voir apparaître des formes complexes, peut-être mêmes vivantes. Et peut-être que ces formes vivantes ont inventé la poésie, qu'elles vivent en ce moment même, en s'interrogeant sur le sens de leur existence, en rêvant, en croyant.

Je retire ce que j'ai dit: une vision du monde purement mécanique ne le rend pas laid. Au contraire, même: un monde basé sur des règles d'évolution simple, et capable d'évoluer de lui-même jusqu'à faire apparaître la vie, est en soi une immense poésie qui s'écrit d'elle-même à partir de son alphabet.

http://xkcd.com/505/ smile

Dernière modification par ǤƦƯƝƬ (Le 27/08/2010, à 23:03)


Red flashing lights. I bet they mean something.

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