Contenu | Rechercher | Menus

Annonce

Si vous avez des soucis pour rester connecté, déconnectez-vous puis reconnectez-vous depuis ce lien en cochant la case
Me connecter automatiquement lors de mes prochaines visites.

À propos de l'équipe du forum.

#1 Le 06/07/2012, à 08:31

Crocoii

La neutralité de la connaissance

Pourquoi la connaissance est neutre ? Comment ?
Parlons nous de la neutralité au sens où l'eau a un Ph neutre, d'une neutralité comme celle de la Suisse pendant la seconde guerre mondiale ou d'autre chose ?


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

Hors ligne

#2 Le 06/07/2012, à 08:34

billou

Re : La neutralité de la connaissance

(Tiens après le départ du truc bleu, voilà l'arrivée du machin rose, la relève est là ! smile )

Hors ligne

#3 Le 06/07/2012, à 08:46

pierrecastor

Re : La neutralité de la connaissance

Crocoii a écrit :

Pourquoi la connaissance est neutre ? Comment ?
Parlons nous de la neutralité au sens où l'eau a un Ph neutre, d'une neutralité comme celle de la Suisse pendant la seconde guerre mondiale ou d'autre chose ?


Je sais pas, qu'est ce qui te fait dire que la connaissance est neutre ?


Oui c'est bien plus ouf et c'est bien bandant
Courir nu la bite à l'air, courir nue la fouffe au vent
Ludwig von 88 - Fracas

Hors ligne

#4 Le 06/07/2012, à 08:50

PPdM

Re : La neutralité de la connaissance

La tolérance en moins, mais passons.
Sinon, a mon point de vue, et si on parle bien de connaissance scientifique, la connaissance est neutre par essence.
Démontrer que  E=mc² est juste démontrer une réalité de l'Univers.
Ne rien en faire, en faire une bombe ou une centrale électrique sont des décisions humaines et politiques, mais Einstein n'est pas responsable de ces choix, même si il en a eut un certains sentiment de culpabilité après Hiroshima


La critique est facile, mais l'art est difficile !
L'humanité étant ce qu'elle est, la liberté ne sera jamais un acquit, mais toujours un droit à défendre !
Pour résoudre un problème commence par poser les bonnes questions, la bonne solution en découlera

Hors ligne

#5 Le 06/07/2012, à 08:51

Crocoii

Re : La neutralité de la connaissance

Si tu préfères :
La connaissance est elle neutre ? Si oui, comment ?

Je penche pour le fait qu'elle n'a rien de neutre. Mais je connais mon avis.


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

Hors ligne

#6 Le 06/07/2012, à 08:53

PPdM

Re : La neutralité de la connaissance

Mais si tu désires un dialogue sur ce sujet, il serait bon que tu donnes ton avis et pourquoi non?


La critique est facile, mais l'art est difficile !
L'humanité étant ce qu'elle est, la liberté ne sera jamais un acquit, mais toujours un droit à défendre !
Pour résoudre un problème commence par poser les bonnes questions, la bonne solution en découlera

Hors ligne

#7 Le 06/07/2012, à 08:55

pierrecastor

Re : La neutralité de la connaissance

pierguiard a écrit :

La tolérance en moins, mais passons.
Sinon, a mon point de vue, et si on parle bien de connaissance scientifique, la connaissance est neutre par essence.
Démontrer que  E=mc² est juste démontrer une réalité de l'Univers.
Ne rien en faire, en faire une bombe ou une centrale électrique sont des décisions humaines et politiques, mais Einstein n'est pas responsable de ces choix, même si il en a eut un certains sentiment de culpabilité après Hiroshima

J'sais pas, pour moi, E=mc² est plus une tentative de modélisation de l'univers qu'une démonstration d'une de ses réalités.


Oui c'est bien plus ouf et c'est bien bandant
Courir nu la bite à l'air, courir nue la fouffe au vent
Ludwig von 88 - Fracas

Hors ligne

#8 Le 06/07/2012, à 08:57

Crocoii

Re : La neutralité de la connaissance

pierguiard a écrit :

Mais si tu désires un dialogue sur ce sujet, il serait bon que tu donnes ton avis et pourquoi non?

Je l'ai déjà donné. Mon avis rejoint le point de vue de Michel Henry sur la connaissance scientifique.

Michel Henry a écrit :

La prétention de la science à réduire le monde de la vie à un monde d'idéalités et d'abstractions physico-mathématiques repose sur l'illusion préalable que les propriétés sensibles de ce monde sont les siennes et lui appartiennent proprement et que, puisque la couleur est dans la nature et pas dans l'âme, on peut en saisir l'être naturel, et cela en une analyse plus fine que la perception, par une analyse physique

Au delà, la connaissance est un pouvoir, il n'est pas neutre puisqu'il a un effet (rien que de permettre d'avantage de connaissance n'est pas une neutralité).


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

Hors ligne

#9 Le 06/07/2012, à 09:01

PPdM

Re : La neutralité de la connaissance

A bon?
Mais c'est un autre débat, j'ai utilise cela parce-que c'est très connu.
J'aurais pus utiliser la fusion de l’hydrogène, ou la fission de l'uranium, cela n'a pas d'importance pour le débat en cours.
Puisque le sujet est: La connaissance est-elle neutre


La critique est facile, mais l'art est difficile !
L'humanité étant ce qu'elle est, la liberté ne sera jamais un acquit, mais toujours un droit à défendre !
Pour résoudre un problème commence par poser les bonnes questions, la bonne solution en découlera

Hors ligne

#10 Le 06/07/2012, à 09:22

Elzen

Re : La neutralité de la connaissance

Alors, j'ai déjà eu l'occasion d'essayer (très maladroitement, je le reconnais) d'expliquer mon point de vue (que je suis bien sûr loin d'être le seul à partager, surtout dans le domaine scientifique) ; je vais réessayer si tu le veux bien.

D'abord, que signifie exactement « neutre » dans ce contexte ?
L'idée est que la connaissance scientifique doit être indépendante des convictions personnelles. L'objectif de la Recherche scientifique est, à la base, de construire une connaissance du monde matériel qui ne dépende que des ressources du monde matériel, donc de s'affranchir des projections subjectives que sont les idéaux politiques ou religieux.
La construction moderne de cette vision se base, me semble-t-il (je connais les définitions, mais je suis nettement moins calé sur le cheminement y ayant mené, et je reconnais volontiers avoir de grosses lacunes en philosophie), sur les travaux de Descartes : une connaissance n'est acceptable que si elle résiste à l'épreuve du doute.

Ensuite, comment construit-on cette connaissance neutre ?
Le principe est d'abord de se restreindre au monde matériel, puisque c'est le seul sur lequel on peut travailler de cette façon. Le principe est, en gros, de pousser sur un truc d'une certaine manière pour regarder comment il va réagir. Et donc, on ne peut le faire que sur les trucs sur lesquels on peut physiquement pousser.
Le risque d'une vision faussée, ou trafiquée par une personne malhonnête, a été pris en compte. C'est pourquoi une connaissance scientifique, pour être validée, doit être vérifiée et revérifiée : le type qui fait l'expérience au départ va décrire aussi précisément que possible la façon dont il a poussé sur le truc en question, et d'autres personnes, à l'autre bout du monde et avec des subjectivités totalement différentes, vont prendre le même truc, pousser dessus de la même façon, et regarder s'ils obtiennent le même résultat.
Si le truc réagit aux poussées de la même façon, alors on en conclue que ça ne dépendait pas de la personne qui a fait l'expérience, et donc que la connaissance qui en découle peut être considérée comme objective.

Ça ressemble un peu, me semble-t-il, au principe du logiciel libre : on fournit le logiciel, mais on fournit les sources avec. Celui qui ne croit pas sur parole comment fonctionne le truc (et il a parfaitement raison, et c'est vivement encouragé) peut aller vérifier par lui-même, et s'il remarque au passage que quelque chose ne va pas, il peut tout-à-fait fournir le patch susceptible de corriger la chose (qui sera, à son tour, examiné par les autres avant d'être accepté), ou au contraire récupérer seulement les parties intéressantes et s'en servir pour construire autre chose.

Hors ligne

#11 Le 06/07/2012, à 09:58

Marie-Lou

Re : La neutralité de la connaissance

Je ne sais pas si par neutre il faut entendre uniquement « sans conviction personnelle » ou « moralement neutre ». Peut-être que le « neutre » de Crocoii est plus large que cela et qu'il signifierait « qui n'est pas l'expression d'un point de vue situé dans le temps et l'espace ».

Auquel cas, je ne suis pas certain qu'on puisse élaborer des connaissances totalement « neutres ». Il me semble qu'une « idée » scientifique (par idée j'entends hypothèse, théorie, modèle, procédure méthodologique… plein de choses en fait tongue) s'inscrit dans une certaine représentation du monde (pour faire bien dans une soirée cocktails, on peut parler de Weltanschauung).

Par exemple, pour que William Harvey puisse voir le cœur fonctionnant comme une pompe, il a non seulement fallu que la métaphore mécaniste soit intellectuellement disponible, mais en plus qu'il ait pu apparaître utile et pertinent de l'employer pour théoriser le corps, ce qui aurait été inenvisageable 2 siècles avant lui.

On peut me répondre « oui mais là il ne s'agit que des conditions d'accès aux connaissances qui, une fois formulées, sont bien neutres » (ouais je fais mes propres questions-réponses, c'est plus simple). Ben là j'suis pas sûr. Y'a un exemple que je trouve parlant, c'est celui du « principe d'inertie » imaginé par les chinois 5 siècle av. JC et pas perçu par les Grecs. Voici ce qu'en dit Piaget :

La conception du monde des aristotéliciens était complètement statique. L'“état naturel” des objets du monde physique était, selon eux, le repos. Tout mouvement (…) était considéré comme une “violence” exercée sur l'objet. Le mouvement requérait, par conséquent, une force. Quand la force cessait de s'exercer, l'objet revenait à son état naturel de repos. Il est bien clair que, dans une telle conception, le principe d'inertie devient inconcevable.
Pour les Chinois, au contraire, le monde était en constant devenir. Le mouvement, le flux continu, était l'état naturel de toute chose dans l'univers. Le mouvement n'a, par conséquent, pas besoin d'être expliqué. Seul le changement de mouvement, et en particulier le repos, ont besoin d'être expliqués. La force intervient pour modifier ou retenir. S'il ne s'exerce aucune force sur un objet, celui-ci continu son mouvement sans changements.

On a clairement deux conceptions du monde qui amènent, ou non, à formuler une loi physique. Or, qu'est-ce qui garantit que celles que nous formulons aujourd'hui − et toutes celles que nous ne formulons pas − ne relèvent pas, elles aussi, d'une conception particulière du monde ? C'est en cela que je douterais de la « neutralité » des connaissances.

Dernière modification par Marie-Lou (Le 06/07/2012, à 09:59)


Compte clôturé

Hors ligne

#12 Le 06/07/2012, à 10:09

Elzen

Re : La neutralité de la connaissance

Remarque qui me semble assez pertinente, en effet ; c'est pourquoi le processus de Recherche est un processus de longue durée. On ne sait pas tout, loin de là, et les nouvelles découvertes permettent de réévaluer les anciennes connaissances, et de mettre en évidence que ce que l'on avait accepté jusque là peut n'être qu'une approximation, et que nous disposons désormais d'assez de connaissances pour établir une connaissance plus précise.

C'est ainsi que, par exemple, la théorie de la relativité générale a succédé à la théorie de la relativité restreinte, qui elle-même a succédé à la théorie de la gravitation universelle formulée par Newton : il s'agit d'une construction qui évolue dans le temps, et dès lors que certains pans de connaissances sont mis en défaut, on tente de reconstruire autre chose à la place.

Jules Verne a utilisé une belle formule à ce sujet dans Voyage au centre de la Terre : « la science, mon garçon, est faite d'erreurs ; mais d'erreurs qu'il est bon de commettre, car elles mènent peu à peu à la vérité. »

Hors ligne

#13 Le 06/07/2012, à 10:43

Grünt

Re : La neutralité de la connaissance

Ça dépend des connaissances.


Red flashing lights. I bet they mean something.

Hors ligne

#14 Le 06/07/2012, à 12:45

Elzen

Re : La neutralité de la connaissance

Yep, je précise au cas où que je ne parle que des connaissances obtenues par l'application de la méthode scientifique.


D'ailleurs, pour répondre plus spécifiquement à l'objection de Marie-Lou, il convient aussi de noter que les convictions et manières d'envisager le monde ont une influence non-négligeable a priori, mais que la construction de connaissances par la méthode scientifique ne s'y arrête pas.

L'exemple que tu nous donnes décrit une époque où la notion de démarche scientifique n'était pas encore formalisée, on ne peut donc, à mon sens, pas l'utiliser pour juger de la connaissance scientifique telle qu'on l'obtient actuellement. Ce n'est pas le raisonnement pur, basé uniquement sur la conception que l'on a du monde, qui a finalement permit de trancher en ce qui concerne l'inertie, c'est l'épreuve du réel. Il est arrivé plusieurs fois que les expérimentations scientifiques viennent à contredire la vision que l'on avait du monde ; on ne les a pas abandonné pour autant.


Alors effectivement, le fait que la démarche scientifique elle-même n'ait pas été envisagée de la même façon en fonction des époques pourrait laisser penser qu'elle est elle-même une construction subjective, ne pouvant elle-même donner que des résultats subjectifs ; il faut pourtant reconnaître qu'au moins, elle fonctionne de la même façon depuis quelques siècles et sur l'ensemble de la planète, ce qui recouvre des réalités sociologiques et des manières de concevoir le monde parfois radicalement différentes.

L'objectif de la démarche scientifique est de construire des connaissances objectives ; je suppose que le simple fait de vouloir atteindre une certaine objectivité est quelque chose de subjectif. Mais ça ne met pas en cause les résultats obtenus, selon moi. Je pense que l'on qualifie ces résultats d'objectifs, parce que d'après la manière de les obtenir, nous pouvons avoir une certaine assurance qu'ils le sont, et que par ailleurs aucun motif ne permet actuellement de supposer qu'ils ne le sont pas.
Si un tel motif venait à être découvert, la démarche serait sans doute corrigée en conséquence, et les résultats réévalués.

L'objectivité, la neutralité, est donc en quelque sorte un pari, mais un pari qui n'a pas été fait au hasard.

Hors ligne

#15 Le 06/07/2012, à 12:53

Crocoii

Re : La neutralité de la connaissance

Marie-Lou a écrit :

On a clairement deux conceptions du monde qui amènent, ou non, à formuler une loi physique. Or, qu'est-ce qui garantit que celles que nous formulons aujourd'hui − et toutes celles que nous ne formulons pas − ne relèvent pas, elles aussi, d'une conception particulière du monde ? C'est en cela que je douterais de la « neutralité » des connaissances.

Il y aussi le fait que les producteurs de la connaissance scientifique sont une forme de bourgeoisie. Leur travail n'est producteur qu'aucune richesse matérielle immédiate. Ils vivent sur l'exploitation du prolétariat (même si le thésard moyen vit dans des conditions précaires).

Sinon, à ArkSeth, mais pas seulement, qu'est ce que la vérité ? Qu'est ce que nous signifions lorsque nous disons "c'est un vrai ami" ? Comment quelque chose peut être plus vrai qu'une autre, est ce qu'il y aurait des degrés entre le vrai et le faux, ce degrés est il quantifiable ou qualifiable ?

Dernière modification par Crocoii (Le 06/07/2012, à 18:45)


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

Hors ligne

#16 Le 06/07/2012, à 13:05

xabilon

Re : La neutralité de la connaissance

La connaissance peut être neutre (par rapport à quoi ?), mais la recherche ne peut pas l'être, elle sert toujours un intérêt.


Pour passer un sujet en résolu : modifiez le premier message et ajoutez [Résolu] au titre.

Hors ligne

#17 Le 06/07/2012, à 13:16

Elzen

Re : La neutralité de la connaissance

Ç'n'est pas la première fois que je te le demande : te serait-il possible d'avoir le minimum de respect pour moi consistant à écrire mon pseudo correctement ?


Par ailleurs, la notion de vérité est, me semble-t-il, assez complexe, portant sur plusieurs sens et recouvrant plusieurs réalités différentes. Le « vrai » désignant une théorie scientifique et le « vrai » désignant une amitié, par exemple, sont deux concepts qui me semblent radicalement différents ; je ne suis simplement pas qualifié pour te définir la seconde, mais je suis certain que tu trouveras des références adaptées.

Permets-moi de changer un peu de terme et de parler d'abord de « véracité ». Je ne sais pas si c'est le mot le plus adapté, mais il me semble que ça désigne une caractérisation de ce dont on parle, tandis que la « vérité » est un concept plus abstrait. Je ne sais pas si c'est le véritable sens de ces mots (ni si je suis très clair hmm) mais c'est le sens que j'envisage, et donc que j'utiliserai.

Concernant le domaine scientifique, la véracité se mesure à l'aptitude à fournir une description cohérente du monde matériel. Un énoncé qui dit que, si je pousse tel truc de telle manière, j'obtiens tel résultat, est considéré comme vrai si et seulement si, en allant effectivement pousser le truc en question de la manière décrite, j'observe bien le résultat attendu.

Il y a donc effectivement une sorte de hiérarchie dans la véracité, dans la mesure où l'on passe d'une théorie à l'autre par une progression dans la finesse de l'approximation. Pour reprendre l'exemple que j'ai utilisé ci-dessus, la théorie de la gravitation telle qu'énoncée par Newton et celle telle qu'énoncée par Einstein donnent des résultats similaires jusqu'à un certain point. Si l'on creuse davantage dans le détail, l'une finit par mieux décrire ce qui se passe que l'autre, elle est donc « plus vraie ».

C'est d'ailleurs l'objet de la citation de Jules Verne que j'ai donnée plus haut : on procède par approximations successives, en affinant la description pour coller de plus en plus à la réalité. En ce sens, la « vérité » serait donc la description parfaite du monde, dont les détails correspondent précisément à ce qui se passe réellement : il s'agit d'une sorte d'idéal, dont on tend à se rapprocher de plus en plus (comme une valeur limite en mathématiques, la connaissance progresse de plus en plus pour s'en rapprocher).

Il me semble en tout cas que c'est comme ça qu'on l'entend dans ce contexte. Encore une fois, pour ce qui est des autres contextes, je peux émettre quelques hypothèses, mais je ne pense pas être le plus qualifié pour apporter un bon éclairage.

Hors ligne

#18 Le 06/07/2012, à 14:01

Marie-Lou

Re : La neutralité de la connaissance

ArkSeth a écrit :

D'ailleurs, pour répondre plus spécifiquement à l'objection de Marie-Lou, il convient aussi de noter que les convictions et manières d'envisager le monde ont une influence non-négligeable a priori, mais que la construction de connaissances par la méthode scientifique ne s'y arrête pas.

L'exemple que tu nous donnes décrit une époque où la notion de démarche scientifique n'était pas encore formalisée, on ne peut donc, à mon sens, pas l'utiliser pour juger de la connaissance scientifique telle qu'on l'obtient actuellement. Ce n'est pas le raisonnement pur, basé uniquement sur la conception que l'on a du monde, qui a finalement permit de trancher en ce qui concerne l'inertie, c'est l'épreuve du réel. Il est arrivé plusieurs fois que les expérimentations scientifiques viennent à contredire la vision que l'on avait du monde ; on ne les a pas abandonné pour autant.

Concernant la façon de faire de la science entre cette époque et la nôtre, j'avoue ne pas savoir. Mais j'ai l'impression que l'incommensurabilité des époques (si j'ose résumé ainsi ton propos) n'est pas la voie choisie par certains scientifiques pour qui on peut accepter une définition de la science, qui serait une entreprise identique aux Grecs de l'antiquité et à nos contemporains. Par exemple, Michel Blay, dir. de recherche au CNRS, s'appuie sur une définition de Koyré pour qui « la science, celle de notre époque, comme celle des Grecs, est essentiellement theoria, recherche de la vérité, et que de ce fait elle a, et a toujours eu, une vie propre, une histoire immanente (…) » (HS Sciences et avenir, déc. 2002/janv. 2003)

Dans un tel cas, les époques ne sont pas incommensurables, puisqu'on prétend que l'entreprise est la même (ce qui n'exclue pas qu'elle a pu évoluer). Du coup, si on se rattache à cette perspective, mon questionnement précédent reste en suspend et mes objections concernant l'époque Grecque ne s'envolent pas par magie à la nôtre.

Et si on ne s'y rattache pas, si on estime que « la » science qu'on fait actuellement n'est pas la même que celle qu'on produisait à l'époque antique, alors il faut montrer que « notre » science a la particularité, le privilège exceptionnel d'être une activité qui se dégagerait des « conceptions du monde ». Bon courage tongue

Ce n'est pas le raisonnement pur, basé uniquement sur la conception que l'on a du monde, qui a finalement permit de trancher en ce qui concerne l'inertie, c'est l'épreuve du réel.

Mais « l'épreuve du réel » peut-elle elle-même se dégager de toute conception particulière du monde ? C'est bien − du moins, entre autres choses − « l'épreuve du réel » qui poussait les Chinois a se représenter l'état naturel des choses comme un état de mouvement, lorsque les Grecs se le représentaient comme fixe. Leur conception du monde n'est pas totalement étrangère au monde réel, elle n'est pas purs songes.

Alors certes, nous pouvons vérifier si, à un moment « ça coince », si l'avancée de nos théories semble en accord avec le réel. Mais cela ne nous renseigne jamais que sur l'état de nos théories à un instant t, et ne nous dit rien quand à la nature même des connaissances et à leur neutralité. Ça prouve juste, à la limite, que dans une conception du monde donnée, nos théories fonctionnent bien, à un moment donné. Mais ça ne garantit même pas que tout ne sera pas à revoir plus tard.

Alors effectivement, le fait que la démarche scientifique elle-même n'ait pas été envisagée de la même façon en fonction des époques pourrait laisser penser qu'elle est elle-même une construction subjective, ne pouvant elle-même donner que des résultats subjectifs ; il faut pourtant reconnaître qu'au moins, elle fonctionne de la même façon depuis quelques siècles et sur l'ensemble de la planète, ce qui recouvre des réalités sociologiques et des manières de concevoir le monde parfois radicalement différentes.

Mouais, faudrait voir qui sont les scientifiques. D'un point de vue très sociologique, est-ce que ce ne sont pas des individus qui son recrutés à peu près dans les mêmes classes sociales et qui ont toutes les chances de partager un « fond commun » (au moins, ce sont des gens un minimum cultivé, pas illettrés). Du coup, le caractère « massif » du fonctionnement de la science serait à relativiser.
Faudrait faire aussi la socio-histoire de la science, mais si on pratique la science de la même façon à New York et à New Delhi, ça peut juste vouloir dire que la « façon de fonctionner » de la science s'est bien exportée de certains pays vers d'autres, un peu comme le fait qu'on va trouver une même mode vestimentaire aux 4 coins de la planète tongue

Et puis surtout, le raisonnement risque d'être tautologique : on va appeler « science » toute entreprise de connaissance qui satisfait aux critères de « notre » science, et l'on va donc logiquement être amené à constater que ça fonctionne partout de la même façon. Bah ouais, logique, si c'est sa définition, et qu'on ne retient que les entreprises qui satisfont à cette définition…

L'objectif de la démarche scientifique est de construire des connaissances objectives ; je suppose que le simple fait de vouloir atteindre une certaine objectivité est quelque chose de subjectif. Mais ça ne met pas en cause les résultats obtenus, selon moi. Je pense que l'on qualifie ces résultats d'objectifs, parce que d'après la manière de les obtenir, nous pouvons avoir une certaine assurance qu'ils le sont, et que par ailleurs aucun motif ne permet actuellement de supposer qu'ils ne le sont pas.
Si un tel motif venait à être découvert, la démarche serait sans doute corrigée en conséquence, et les résultats réévalués.

Cela me semble être une description très linéaire du progrès scientifique, pensé comme continu (c'est aussi ce qui ressort du message que tu as écrit entre temps). Un modèle où se succèdent essais, erreurs et réussites et qui nous mène vers l'horizon de vérité.

Mais cette description là n'est pas forcément partagée. Si le mode de fonctionnement de la science est celui décrit par Kuhn, alors la cumulativité n'est envisageable qu'au sein d'un même paradigme. Or, les paradigmes sont incommensurables ; il n'y a pas simple accumulation, il n'y a pas qu'une successions d'erreurs et de réussites, il y aurait des connaissances et théories produites qui, lorsqu'on change de paradigme, ne peuvent plus être évaluées.

Dernière modification par Marie-Lou (Le 06/07/2012, à 14:06)


Compte clôturé

Hors ligne

#19 Le 06/07/2012, à 14:03

edge_one

Re : La neutralité de la connaissance

xabilon a écrit :

La connaissance peut être neutre (par rapport à quoi ?), mais la recherche ne peut pas l'être, elle sert toujours un intérêt.

je rejoint en grande partie ton avis, la science, l'accumulation de connaissance devrait être neutre et universel mais ce n'est pas le cas.

la recherche scientifique est et seras je pense toujours malheureusement je crois mené par des intérêt privé et politique.

j'pense qu'un bonne exemple du sujet est le programme appolo. pour résumer, les américains ont réalisé des fusées pour envoyer des hommes sur la lune, mais comment? en récupérant des connaissance (et des hommes une centaine )que les allemand de l'ère nazi ont développpé dans leur armé afin de modifier les missile V2 et d'en faire des fusées. et dans quel contexte? celui de la guerre froide ou les russes et les américains se tiraient la bourre pour être les premiers à aller sur la lune.

verhner von braun le père de la fusil saturn V qui a permis le programme appolo était un nazi convaincu, il a fini avec la nationalité américaine et à la tête d'un département de la nasa.

j'crois donc que l'on peut dire que la conquête de la lune par les américains dans un contexte de guerre froide à largement était financé par le régime nazi.

ensuite maintenant, on peut breveter le vivant oO cela prouve bien que la science et son application ne peuvent pas être universel. enfin il le pourrait mais pas dans le contexte actuel.

la science est par essence universel, nous sommes tous régis par le même univers mais le partage de la connaissance ne l'est pas car c'est un avantage stratégique et économique.

pour cela il faudrait que les états et les humains accepte de comprendre que ce n'est que s'unissant à l'échelle mondiale et sans objectif économique mais avec un bénéfice pour l'humanité dans sa globalité que l'on pourras vraiment faire avancer les choses.
mais bon à part quelque gaucho (dont je fait parti) qui le veux ?

les sociétés privés?
les états?

(j'ai gagné un godwin mais c'est pas grave)

#20 Le 06/07/2012, à 15:22

Elzen

Re : La neutralité de la connaissance

Juste quelques éléments :

Marie-Lou a écrit :

Du coup, si on se rattache à cette perspective, mon questionnement précédent reste en suspend et mes objections concernant l'époque Grecque ne s'envolent pas par magie à la nôtre.

Pas par magie, mais parce que les méthodes ont évoluées.

L'objectif est toujours le même ; simplement on a trouvé une manière plus fiable que celle de l'époque d'y parvenir. Il n'est d'ailleurs pas exclu que ça se reproduise : comme je l'ai dit, dans ce cas-là, il sera nécessaire de réévaluer toutes les connaissances acquises par la méthode actuelle, pour vérifier si la nouvelle méthode les accepte ou non.

Le principe fondateur de la science reste la remise en question permanente, tout élément nouveau permettant de mettre en doute les résultats acquis précédemment est pris en compte, et un élément qui tendrait à démontrer un manque d'objectivité serait une mise en doute sérieuse, l'objectivité étant l'objectif.

Marie-Lou a écrit :

Mais « l'épreuve du réel » peut-elle elle-même se dégager de toute conception particulière du monde ?

L'épreuve du réel tend à se détacher des conceptions particulières sur deux points : d'abord, le fait qu'il utilise des facteurs externes à l'individu. Un raisonnement interne peut être biaisé, mais la façon de considérer le monde peut difficilement influer sur le résultat d'une expérience (pour caricaturer, même en croisant les bras, en fermant les yeux et en se concentrant très fort, le capteur ne va pas se mettre à donner une autre valeur)

Je ne sais pas comment les Chinois procédaient, mais il me semble que l'école aristotélicienne était précisément dans une relation nettement différente au monde matériel. Le concept était, je crois que nos sens nous trompent, et que seul le raisonnement pur, s'appuyant le moins possible sur les observations ; la logique de la méthode scientifique actuelle est opposée, puisqu'il s'agit de laisser l'observation trancher (en ayant soin de fixer les paramètres, évidemment)

L'autre point est le fait que tout est vérifiable ; une personne ayant des conceptions totalement différentes peut refaire l'expérience, et si le résultat est le même, alors on suppose que ça ne dépendait pas des conceptions.

Marie-Lou a écrit :

Mais ça ne garantit même pas que tout ne sera pas à revoir plus tard.

C'est le concept, oui. L'idée est effectivement que l'état actuel des connaissances nous permet de dire que les choses sont comme ça ; mais qu'il reste toujours possible de progresser pour aller plus loin dans le détail. La connaissance que nous avons est une approximation de la réalité, que l'on garde jusqu'à en avoir trouvé une meilleure.

Marie-Lou a écrit :

un peu comme le fait qu'on va trouver une même mode vestimentaire aux 4 coins de la planète tongue

Il y a vraiment des modes vestimentaires qu'on retrouve sur toute la planète ? yikes (Je n'sors vraiment pas assez de chez moi)

Sinon, la condition « pas illettré » me semble avoir un statut assez particulier dans la mesure où acquérir des connaissances préalables fait partie de la démarche de fonctionnement du truc.
Pour le reste, je t'accorde volontiers qu'il y a quelques limites difficilement évitables (tout le monde n'a pas son accélérateur de particules dans son jardin, c'est sûr…), pour autant, la science en général ne me semble pas réservée à une classe aisée et bien cultivée (il y a quand même quelques exemples de gens qui ont réussi autrement. Peut-être pas assez pour que ce soit représentatifs, certes, j'n'en sais rien).

Marie-Lou a écrit :

Cela me semble être une description très linéaire du progrès scientifique, pensé comme continu (c'est aussi ce qui ressort du message que tu as écrit entre temps). Un modèle où se succèdent essais, erreurs et réussites et qui nous mène vers l'horizon de vérité.

Parce que je m'exprime super mal ^^"

Le truc n'est clairement pas linéaire. J'n'ai lu qu'en diagonal, mais le truc de Kuhn que tu cites a l'air très représentatif, aussi. Je n'pense pas que ce soit contradictoire avec ce que j'essayais d'expliquer ; mais là comme ça maintenant, je n'vois pas du tout comment formuler ça mieux neutral

Hors ligne

#21 Le 06/07/2012, à 17:40

side

Re : La neutralité de la connaissance

ArkSeth a écrit :

L'épreuve du réel tend à se détacher des conceptions particulières sur deux points : d'abord, le fait qu'il utilise des facteurs externes à l'individu.

Impossible. Rien de ce que connaît l'individu ne lui est totalement externe.

Sinon je trouve que tu expliques bien pourquoi la connaissance n'est pas neutre.


Mais je trouve aussi qu'il y a pas mal d'amalgame entre neutralité, objectivité et autonomie. La connaissance n'est jamais neutre car elle définit le Monde. Dire « c'est ainsi » engage sur la vision de ce qu'est le Monde, rien de moins neutre que ça. La Science pourrait être tout à fait autonome, mais ne l'est  en réalité malheureusement jamais car elle est faite d'Hommes. Elle peut s’efforcer de s’objectiver tant qu'elle le veut ; d'ailleurs, c'est le sens fondamental de la science ceci, amha, vouloir s’objectiver sans cesse ; mais elle ne le sera jamais totalement car rien n'est jamais totalement externe à l'individu et la Science est une production de l'Homme.

La Science est une production de l'Homme. L’Homme est faillible donc la Science est faillible. Tout ce qui est faillible est non-neutre. Il s'agit de faire des choix, des choix les plus raisonnables possibles.


Dire le contraire revient à diviniser la Science (ou l'Homme), comme si la connaissance nous tombait dessus, par révélation. Si la science était par essence neutre, si elle produisait des connaissances par essence neutres, aucun effort d’objectivation ne serait à faire, la connaissance serait le Vrai à chaque fois qu'elle s’énonce. Or ceci est faux, les connaissances ne sont le Vrai que dans le paradigme même où elles s'énoncent. Et les paradigmes changent, donc la Science n'est pas neutre, elle est l'effort d’objectivité, le désir de neutralité.

Or ce désir tendu vers la neutralité qui engage ces efforts d’objectivation est, lui, par essence, non-neutre. La neutralité de la Science est juste impossible.

Dernière modification par side (Le 06/07/2012, à 17:48)


« Je ne suis pas une adversaire de l’Europe, je me sens européenne. Je voudrais qu’il y ait des accords entre les nations librement consentis, c’est cette Europe-là que je veux voir émerger et je souhaite que la France soit à l’origine de ce beau projet, de cette belle initiative » - Marine Le Pen - 25 Avril 2017 - TF1

Hors ligne

#22 Le 06/07/2012, à 19:23

Crocoii

Re : La neutralité de la connaissance

Karl Popper a écrit :

L'activité du chercheur consiste à formuler des propositions et des systèmes de propositions et à les contrôler de manière systématique.

Ce qui est intéressant chez lui, c'est qu'il refuse catégoriquement l'induction (dont son analyse montre l'invalidité logique). Un ensemble d’intersubjectivité de différents chercheurs ne produit ni du vrai ni du probable mais des théories falsifiables. Pour Popper, le propre de la science, c'est que nous pouvons prouver la fausseté des théories.
Mari Lou en citant Thomas Kuhn a bien évoqué qu'une théorie remplace une autre non parce qu'elle est plus vrai ou plus probable mais parce qu'elle apparaît à la communauté comme plus efficace pour traiter de certains problèmes.

Merci Side pour la clarté, j'aurais pas mieux écrit.

Pourquoi le scientifique n'apparait qu'avec la modernité ? Que signifie à une société de confier à une minorité la production de sa connaissance ? L'homme ordinaire détient il une connaissance ?

Dernière modification par Crocoii (Le 06/07/2012, à 19:28)


"La conscience doit sortir de prison, en s'armant de mauvaises passions. La liberté est le crime qui contient tous les crimes : c'est notre arme absolue!"

Hors ligne

#23 Le 06/07/2012, à 20:10

PPdM

Re : La neutralité de la connaissance

La science ne nous tombe pas dessus comme une révélation, elle est la somme des découvertes faites par un multitude de chercheurs a travers le temps.
En ce sens je pense qu'elle est neutre, car si une découverte est une fausse découverte, tôt ou tard cela sera corrigé par d'autre chercheur.
Cela dépend si l'on regarde a court ou a long terme.
Mais la société moderne ne sait pas voir plus loin que la durée du mandat d'un président, c’était le seul avantage de la monarchie, les grand rois faisait les choses pour la postérité, les grand présidents ne font les choses que pour être réélus.
Si certains y voient de l'ironie, ils ont raison! wink


La critique est facile, mais l'art est difficile !
L'humanité étant ce qu'elle est, la liberté ne sera jamais un acquit, mais toujours un droit à défendre !
Pour résoudre un problème commence par poser les bonnes questions, la bonne solution en découlera

Hors ligne

#24 Le 06/07/2012, à 22:11

sweetly

Re : La neutralité de la connaissance

Crocoii a écrit :
Karl Popper a écrit :

L'activité du chercheur consiste à formuler des propositions et des systèmes de propositions et à les contrôler de manière systématique.

Ce qui est intéressant chez lui, c'est qu'il refuse catégoriquement l'induction (dont son analyse montre l'invalidité logique). Un ensemble d’intersubjectivité de différents chercheurs ne produit ni du vrai ni du probable mais des théories falsifiables. Pour Popper, le propre de la science, c'est que nous pouvons prouver la fausseté des théories.
Mari Lou en citant Thomas Kuhn a bien évoqué qu'une théorie remplace une autre non parce qu'elle est plus vrai ou plus probable mais parce qu'elle apparaît à la communauté comme plus efficace pour traiter de certains problèmes.

Merci Side pour la clarté, j'aurais pas mieux écrit.

Pourquoi le scientifique n'apparait qu'avec la modernité ? Que signifie à une société de confier à une minorité la production de sa connaissance ? L'homme ordinaire détient il une connaissance ?

Merci pour la maïeutique, mais la réponse est portée par la question smile (Mais en fait non, pour certains historiens ou épistémo des sciences, la science n'apparaît pas avec la modernité. Pour plein de raisons, avant tout sociologiques et culturelles)

@Side : je suis globalement d'accord avec toi, à ceci près que j'aimerais que tu me dises ce que tu entends par neutre. Juste pour être sûr. Et savoir, épistémologiquement de quoi on parle.

Dernière modification par sweetly (Le 06/07/2012, à 22:13)

Hors ligne

#25 Le 06/07/2012, à 22:27

Grünt

Re : La neutralité de la connaissance

Crocoii a écrit :

Il y aussi le fait que les producteurs de la connaissance scientifique sont une forme de bourgeoisie. Leur travail n'est producteur qu'aucune richesse matérielle immédiate. Ils vivent sur l'exploitation du prolétariat (même si le thésard moyen vit dans des conditions précaires).

C'est aussi le cas des artistes, des philosophes, des libraires.. ils ne produisent pas non plus de "richesse matérielle immédiate".

Le problème, avec la science, c'est que dans notre société elle peut être financée soit par de l'argent privé, soit par de l'argent public.

Dans le premier cas, elle est accusée (souvent à juste titre) de travailler pour produire des connaissances techniques profitables au financeur (généralement une entreprise puissante), et pas "pour le bien de tous". À noter que, dans ce cas là, la connaissance scientifique produit une richesse matérielle différée, au même titre que le prolétaire : elle permet l'amélioration de technologies qui sont ensuite achetées, ou pas, par le peuple. Autrement dit, le scientifique au service d'une entreprise n'est guère différent du prolétaire.
Mais, donc, elle subit la critique de la science "destructrice" au service d'intérêts privés, et non-neutre (puisque orientée vers des buts précis).

Et quand elle est financée par l'argent public, la voilà critiquée de vivre aux dépends des gens qui produisent de vrais richesses ! Si je suis ton discours, il n'y aurait aucune science neutre dans notre société ? Il n'y a alors aucune activité neutre, puisque la société, par la façon dont elle distribue la richesse, dont elle les crée, impose forcément un cadre non-neutre, une politique. La science est alors un cas particulier d'un constat plus général : l'activité humaine n'est pas neutre car elle s'inscrit dans une société.

En ce qui me concerne, c'est le mélange des genres qui m'agace. Il est particulièrement présent dans le milieu artistique, qui consomme de l'argent public tout en produisant quasi-exclusivement des oeuvres sous licence privative.
Il est également présent, hélas, dans le milieu scientifique, via de douteux "partenariats" public-privé, où le public (donc, tout le monde, le prolétaire compris) met la main à la poche pour des connaissances qui sont ensuite brevetées et verrouillées de façon privée.

Mais, même dans ce cas, ça ne remet pas en cause la méthode scientifique même, qui reste neutre : il est dans l'intérêt du commanditaire intéressé que la science orientée dans un but technique soit rigoureuse, car cette rigueur est garante du bon fonctionnement de l'application technique. Par exemple, une assurance automobile qui voudrait que des généticiens découvrent un gène favorisant les accidents, et qui se verrait répondre après plusieurs années de recherche "il n'existe pas de tel gène", en serait pour ses frais. Et elle ne pourrait passer outre un tel résultat, sauf à mentir, ce qui sort totalement de la méthode scientifique.

Par contre, je ne vois pas ce qu'il y a à reprocher au scientifique-prolétaire qui élabore un nouvel acier : son travail est voisin de celui de l'ouvrier qui va mettre en application cet acier.
Et, dans le cas de la recherche véritablement publique, il n'y a pas de confiscation du résultat : le boson de Higgs, les indices qui établissent la quasi-certitude de son existence, sont disponibles au monde entier, au prolétaire y compris (encore heureux, c'est lui qui paie).
Après, il est possible que l'existence du boson de Higgs n'intéresse pas le prolétaire. C'est un discours qu'on entend parfois : la recherche fondamentale coûte cher "pour rien", les gens s'en foutent dans leur grande majorité. Je trouve ce discours assez démagogique. Les gens dans leur grande majorité sont également contre les contrôles de vitesse, contre les impôts, contre les taxes, contre les lois qui les empêche de faire ceci ou cela.

Crocoii a écrit :

Pourquoi le scientifique n'apparait qu'avec la modernité ? Que signifie à une société de confier à une minorité la production de sa connaissance ?

C'est encore un cas particulier de la spécialisation de nos sociétés. La mécanisation fait que nous confions également à une minorité la production agricole ou la maintenance de certaines machines.

L'homme ordinaire détient il une connaissance ?

Cette connaissance lui est offerte sur un plateau, en tout cas en France. Pour un budget réduit, il est possible d'accéder à la totalité des connaissances scientifiques (je parle bien de science là, pas de technique). C'est d'ailleurs quelque chose que je trouve admirable, pour des raisons liées à mon vécu : j'ai passé toute mon enfance dans une famille vivant sous le seuil de pauvreté, sans pour autant avoir le sentiment de "manquer". Car ma soif de connaissance a été plus que satisfaite, par la disponibilité, en bibliothèque, en librairie, d'ouvrages scientifiques présentant un rapport quantité de connaissance/prix totalement abordable.
La quantité d'information (au sens de Shannon) disponible dans une société moderne, et le prix pour y accéder (par exemple, les 30€/mois d'accès à Internet, ou les quelques dizaines d'euros par an d'abonnement à une bibliothèque), font que oui, l'homme ordinaire le plus humble peut accéder à la connaissance, peut se l'approprier. Et c'est fort heureux, je ne serais probablement pas ici pour en discuter, sinon, mais condamné à reprendre le métier et le mode de vie de mon père, comme c'est le cas dans les sociétés où il n'y a aucun moyen d'accéder à la "connaissance des classes supérieures" si on n'en fait pas partie dès la naissance.

J'ai parlé de "soif de connaissance", c'est à mon avis un point très important : naturellement, l'être humain est curieux. Cette curiosité est innée : les enfants posent des questions, et la plupart de ces questions commencent par "Pourquoi". Ce besoin naturel a besoin d'être satisfait, et la science le satisfait. En ce sens, elle est nécessaire.


Red flashing lights. I bet they mean something.

Hors ligne